Au Théâtre de Poche-Montparnasse, le comédien Maxime d’Aboville plonge dans la vie et les mots de son aîné, Michel Bouquet, sans toujours réussir, malgré son énergie, à trouver le ton juste.
« Vous avez une bonne voix, vous avez une bonne diction. » Ces mots, Michel Bouquet ne les a sans doute pas choisis au hasard. Alors qu’il sort tout juste de L’Avare, version Georges Werler, le vieux lion les adresse à un jeune homme, venu à sa rencontre pour lui réciter quelques phrases extraites de Joueurs, le livre d’entretiens qu’il avait accordés, quelques années plus tôt, à Charles Berling. Cet élève qui ose se frotter au maître n’est autre que Maxime d’Aboville. Encore apprenti comédien, mais déjà fasciné par son aîné, il reçoit, en héritage, ce verdict sorti du fond des âges, conforme à celui que Maurice Escande avait formulé au jeune Michel lorsqu’il l’avait entendu, pour la première fois, dans les années 1940.
Devenu, depuis, un acteur confirmé, n’ayant rien perdu ni de sa « bonne voix », ni de sa « bonne diction », Maxime d’Aboville a voulu prolonger l’expérience, et rendre hommage à cette figure tutélaire du théâtre français. Fondé sur des fragments de Joueurs, Je ne suis pas Michel Bouquet est un voyage dans la vie et les pensées, bien plus que dans l’oeuvre, du comédien. Envoyé en pension entre 7 et 14 ans, fils d’un homme psychologiquement détruit par la première et la seconde guerres mondiales, adolescent dans Paris occupé « où les gens se dénonçaient pour un appartement », Michel Bouquet a trouvé dans l’art dramatique un refuge, capable, avec ses costumes et ses perruques, de le protéger de la cruauté du monde qui l’entourait.
Sous son regard, c’est tout un pan de l’histoire du théâtre français qui défile, des pièces d’anthologie de l’Opéra-Comique aux rôles de Madeleine Renaud époque Comédie-Française, en passant par la création de Caligula au Théâtre Hébertot où, sous les traits de Scipion, il donna le change à Gérard Philipe à la demande d’Albert Camus lui-même. Surtout, c’est une conception particulière, réactionnaire diront certains, de la société et de l’art dramatique qui affleure. Défenseur de l’individu plutôt que des masses, pourfendeur de la réalité au théâtre, il sacralise l’auteur, et décortique sa façon de s’approprier un personnage, de s’effacer à son profit.
Ce leitmotiv, Maxime d’Aboville a visiblement essayé de s’en inspirer. Las, il adopte un ton trop emprunté, un jeu trop affecté, voire forcé, pour empoigner avec toute la justesse requise un texte qui, pourtant, mériterait que l’on s’y attarde. Tout se passe comme si, à ne pas vouloir totalement incarner Michel Bouquet, sans complètement le délaisser, le comédien, peut-être impressionné, s’était perdu et n’avait pas su trouver, pour l’instant, la voie médiane adéquate. Lesté par des coutures textuelles grossières, laissé seul à la barre par une mise en scène spartiate, il place son énergie dans des sauts de jeu qui sonnent faux. Avec plus de simplicité, gageons que Maxime d’Aboville pourrait faire ressortir la sincérité d’un projet qui, à coup sûr, n’en manque pas.
Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr
Je ne suis pas Michel Bouquet
de Michel Bouquet
d’après Les Joueurs, entretiens avec Charles Berling (Grasset)
Mise en scène Damien Bricoteaux
Avec Maxime d’Aboville
Lumières François LoiseauProduction Théâtre de Poche-Montparnasse
En partenariat avec France Télévisions et Télérama SortiesDurée : 1 heure
Théâtre de Poche-Montparnasse, Paris
du 4 septembre au 16 novembre
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