Polyester de la Compagnie TORO TORO est hymne à l’adolescence, à la littérature à l’eau de rose, aux sentiments fleur bleue, à la passion de la danse, pivot de cette mystification qui se donne des airs de théâtre documentaire pour mieux nous prendre à revers et redonner à l’imaginaire toute son aura originelle. Qui a parlé d’âge ingrat ?
C’est l’âge des premières fois, l’âge des boums et des slows, des tubes sirupeux, des looks improbables, l’âge des possibles, des coups de foudre et des appareils dentaires, l’âge où on se fait des films, où on regarde en boucle “Dirty Dancing”, où on a des amis pour la vie… L’adolescence, cet âge des fantasmes, terreau inépuisable d’inspiration, de fascination, de nostalgie, Margot Alexandre et Nans Laborde-Jourdàa se mettent en quête de ses arborescences fictionnelles. Armés de leur complicité et de leur folie douce, ils imaginent de toute pièce un scénario empruntant ses motifs narratifs et ses codes aux films de genre, aux séries télé kitsch, aux romans de gare. Cette saga au long cours, histoire d’amour tragique enchaînant les clichés à dessein, est incarnée en pointillée par Nans et Margot, interprètes solides et charismatiques. Transformé en studio de danse, avec lino blanc et barres d’échauffement, le plateau accueille des bribes éclatées de cette passion impossible déclinée sur 36 tomes. Des vignettes empruntées à cette œuvre monumentale imaginaire, des scènes détachées qui témoignent de l’évolution de cette relation au fil du temps. Et “Grand Studio” (c’est son titre) se dessine en creux, dans son dérobement même, dans les béances entre les scènes, dans son absence, procédé narratif décalé et singulier qui ne plonge pas tête la première dans son sujet mais au contraire, prend des chemins buissonniers, des sentiers détournés et rend ainsi hommage à nos rêveries intimes, aux mécanismes imaginaires.
Tout commence par une rencontre comme toutes les histoires. Il fait le ménage dans le studio de danse, elle vient s’entraîner pour réaliser son rêve : intégrer un ballet professionnel. Pour eux, l’avenir est encore une promesse, un horizon accueillant. Il esquisse quelques sauts et entrechats et c’est la révélation d’un talent évident, éblouissant. Les fils narratifs sont grossiers, drôles à souhait et c’est fait exprès, car plus c’est gros, plus c’est beau. Les situations sont à peine esquissées, les phrases distillées au compte goutte, les jointures entre les scènes inexistantes puisque celles-ci sont piochées ça et là dans la saga, et pourtant, on y croit, on l’entrevoit entre les lignes ce best seller de la littérature adolescente totalement inventé sur le dos de tous les best sellers du monde. Pas besoin qu’il existe pour s’y projeter, la pièce célèbre ainsi le pouvoir de l’imaginaire collectif, la capacité du cerveau à combler les trous, à créer des passerelles, à naviguer entre les références et les genres pour mieux se faire son film. A cette première strate fictionnelle, s’en ajoute une deuxième, avec la présence de huit jeunes amateurs, entre 10 et 16 ans, pratiquant la danse à haute dose. Chacun vient prendre la parole en avant scène, sur le mode du témoignage, évoquant son lien avec ce livre qui concentre toutes les attentions et obsessions, son lien à la danse et sa pratique intensive. A la fois reliées et détachées des scènes qui mettent en jeu avec humour le couple de littérature, ces prises de parole, dans la simplicité de leur adresse directe au public, viennent en écho tisser un réseau sensible de voix ados, un univers à la fois fragile et affirmé, fluctuant, sismique. L’adolescence, cette période instable où on ne sait pas sur quel pied danser mais où l’on sait paradoxalement très bien ce qu’on aime et ce qu’on n’aime pas. Cet âge où la lecture est une aventure.
Né de la rencontre avec ces jeunes, “Polyester” n’est pas un spectacle unique et figé, il joue des grands écarts de tonalité et mute en fonction de ses interprètes au gré des hospitalités. Comme un organisme vivant qui accueille l’altérité, son contenu se module et évolue en fonction des lieux d’accueil, des territoires géographiques, des rencontres. Certes, sa forme et sa structure d’ensemble restent, mais l’aspect collaboratif de la démarche donne à ce projet délicat et sur le fil sa souplesse intrinsèque. Ainsi, son ADN se raccorde à son titre, le polyester étant une fibre textile synthétique dont la propriété principale est… l’élasticité.
Marie Plantin – www.sceenweb.fr
Polyester Avec dix jeunes danseur.euse.s amateur.rice.s, Margot Alexandre, Nans Laborde-Jourdàa et Valentine Vittoz
Conception : Nans Laborde-Jourdàa
Scénographie : Lucie Gautrain
Costumes : Louise Digard
Lumières : Kelig Le Bars
Perruques : Cécile Kretschmar assistée de Jean Ritz
Collaboration artistique : Valentine Vittoz et Axel Ibot
Production déléguée : Cie TORO TORO
Coproduction : Théâtre Garonne, scène européenne – Toulouse et la Cie Vous êtes Ici – Un festival à Villeréal
Soutiens et remerciements : CDDB Théâtre de Lorient ; la vie brève Théâtre de l’Aquarium ; Théâtre de Vanves ; Carreau du Temple
La compagnie TORO TORO bénéficie du dispositif d’aide au compagnonnage du Ministère de la Culture avec l’association DISPLAY – Fanny de Chailé.
Ce projet est soutenu par la Drac Nouvelle-Aquitaine – aide aux projets compagnie dramatique et OARA
Avec la participation artistique du Jeune Théâtre National
En coréalisation avec la vie brève – Théâtre de l’Aquarium
Remerciements au Théâtre de la TempêteDurée : 50 min
A partir de 11 ansLe 04 et 05 mai 2023
Festival Eldorado
Théâtre de Lorient (56)Du 22 et 24 mai 2023
Festival Théâtre en mai
Dijon (21)
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