Pour « L’Île de France fête le théâtre » qu’ils organisent à l’initiative de la Région Île-de-France sur plusieurs îles de loisir, Les Tréteaux de France produisent et diffusent un Britannicus mis en scène par son directeur Robin Renucci. L’absence de parti pris marqué et les strictes mesures sanitaires mises en place nous laissent au seuil de la tragédie de Racine.
Installé sur l’île de loisir du Port aux Cerises à Draveil, où débute la 4ème édition de « L’Île-de-France fête le théâtre » qui se tiendra jusqu’au 30 août, un grand chapiteau promet joie et convivialité. Pour le Centre dramatique national Les Tréteaux de France qui organisent la manifestation, ces deux mots ne vont pas sans un troisième : « transmission ». Lequel est souvent accompagné du binôme « éducation populaire ». Nul frivole divertissement en effet, sous la toile rouge qui après l’île de Draveil ira égayer celles de Cergy-Pontoise et de Saint-Quentin-en-Yvelines, mais des propositions qui, lit-on dans le dossier de « L’Île-de-France fête le théâtre », visent à la « construction de l’individu ». Cela à travers des ateliers gratuits d’initiation au théâtre pour enfants et adultes, et une programmation de spectacles légers, susceptibles de se jouer dans tous types d’espaces. Parmi lesquels un Britannicus mis en scène par le directeur des Tréteaux de France Robin Renucci, dont la fadeur jure avec l’écrin qui l’abrite.
Dès l’accueil du public, les contraintes liées aux mesures sanitaires priment sur le plaisir des retrouvailles solennellement exprimé par le metteur en scène. Une tentative ludique – chacun se voit remettre un billet au nom d’un personnage de la pièce, qui désigne aussi l’une des trois entrées du chapiteau, où nous attendent ouvreurs et gel hydroalcoolique – ne suffit pas à détendre l’atmosphère. Joué dans l’entrée du chapiteau, le prologue n’arrange pas la situation. En plus de nous préparer à un placement très surveillé, il justifie le port du masque par les comédiens. La pièce, dit-il, se situe en pleine épidémie de peste, qui contraint les habitants de Rome où elle se situe à porter des masques en tissu. En formulant au seuil de son spectacle cette contrainte partagée par les interprètes et les spectateurs, Robin Renucci annonce son désir de l’oublier par la suite. Le masque, dans son Britannicus, n’est pas un sujet. Il n’est pas même un objet.
S’ils en disent un mot avant de rejoindre le centre du chapiteau aménagé en dispositif quadri-frontal, les sept comédiens de la pièce n’y font en effet plus référence par la suite. On ne les oublie hélas pas pour autant : faute de choix de mise en scène forts, ils attirent l’attention sans ouvrir de pistes d’interprétation. En faisant en plus obstacle aux alexandrins de Racine, qui nous parviennent privés des émotions qu’expriment sans doute les visages des comédiens. Le masque n’est pas la faiblesse de ce Britannicus, mais il la rend plus criante. Il pose avec force la question de la nécessité pour l’équipe de porter sur scène cette tragédie. L’argument de son actualité, avancé par Robin Renucci dans son dossier, n’est guère traité au plateau d’une manière convaincante. Conçu par le scénographe Samuel Poncet, le tapis noir et or sur lequel les comédiens jouent la naissance de la tyrannie de Néron (Tariq Bettahar) est à l’image des costumes conçus par Jean-Bernard Scotto : il suggère la modernité au lieu de l’affirmer franchement.
La gestuelle, les déplacements des comédiens entre les colonnes lumineuses situées à chaque coin de la scène peinent à traduire la violence de la prise de pouvoir de Néron grâce aux manœuvres de sa mère Agrippine (Nadine Darmon). Organisée selon des diagonales, rigide, leur circulation ne dit rien des pulsions qui animent le jeune homme à l’endroit de son frère Britannicus (Christophe Luiz) et de sa promise Junie (Louise Legendre). Le texte de Racine, dont la transmission est visiblement l’objectif premier de Robin Renucci, ne prend corps que quelques instants : à la fin de la pièce, quand au moment de la mort de Britannicus tous les comédiens ôtent leur masque. Geste qui remet en question son port pendant deux heures bien longues et arides.
Anaïs Heluin – www.sceneweb.fr
Britannicus
De Jean Racine
Mise en scène : Robin Renucci
Avec : Tariq bettahar, Nadine Darmon, Thomas Fitterer, Louise legendre, Christophe Luiz, Stéphanie Ruaux, Julien Tiphaine
Scénographie : Samuel Poncet
Lumières : Julie-lola Lanteri
Costumes : Jean-Bernard Scotto
Assistant à la mise en scène : Jean-frédéric Lemoues
Production : Tréteaux de France – Centre Dramatique National
Durée : 2h
La Villette
du 25 janvier au 1 février 2022
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