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Antis : théâtre fragmentaire pour société fragmentée

À la une, A voir, Les critiques, Paris, Théâtre, Villeurbanne

Photo Louka Petit-Taborelli

Au Théâtre 14, la jeune metteuse en scène Julie Guichard s’empare, avec une fluidité remarquable, du texte de Perrine Gérard et lance une alerte percutante à nos démocraties.

Les théâtres ont trouvé un modus vivendi. Privés de public en raison du reconfinement, mais autorisés à aménager des temps de répétition pour offrir aux artistes un espace de travail, certains lieux ont décidé d’aller plus loin et d’organiser des « filages-spectacles » – parfois doublés d’une captation vidéo – réservés, dans le respect des règles sanitaires, à un très petit nombre de professionnels et de journalistes. L’objectif est simple : permettre au monde du spectacle de préparer l’avenir, les saisons « post-Covid », et assurer aux compagnies, déjà grandement fragilisées, une once de visibilité. Grâce au soutien du Théâtre 14, qui l’accueille dans son incubateur, Le Grand Nulle Part a pu bénéficier de ce « lot de consolation ». Son spectacle, Antis, initialement prévu du 4 au 8 novembre et déjà interrompu lors de sa création, en mars dernier, au TNP de Villeurbanne, s’est joué, cette semaine, sous cette forme particulière.

Quelques mois de latence que son autrice, Perrine Gérard, en étroite collaboration avec l’ensemble de l’équipe artistique, a mis à profit pour remanier en profondeur le texte initial afin de suivre les emballements et les soubresauts de l’actualité. Non pas, et c’est heureux, celle liée au coronavirus et au confinement, mais plutôt celle relative à la violence, sous toutes ses formes, qui, en plein ou en creux, met à mal le tissu social. Car, lorsque Agnès, Nicolas, Tito, Ivan et Sibyle – qui, à eux tous, forment l’acronyme Antis – se penchent sur une série d’agressions nocturnes, ces journalistes sont loin d’imaginer mettre le doigt dans un engrenage qui va, très vite, les dépasser et les conduire jusqu’à un groupuscule haineux, l’Action nationale pour le triomphe de l’identité suprême – l’autre Antis –, qui, dans un sombre mélange d’intérêts convergents, s’en prend à toutes les minorités, sans distinction.

Là où Léa Drouet avait récemment, dans Violences, choisi la voie du théâtre documentaire pour traiter d’un sujet connexe, Perrine Gérard et ses comparses font pousser des ramifications fictionnelles sur le terreau du réel. Façon, pour eux, d’éviter la dénonciation frontale et de profiter de la finesse d’une légère anticipation, qui se révèle tout aussi efficace. Par touches discrètes et jamais didactiques, Antis fait le pas de plus et donne à voir, avec une crédibilité qui fait frissonner, le monde à nos portes. Un monde où les policiers ne se contentent plus de groupes Facebook racistes – comme l’avait dévoilé Street Press –, mais rejoignent des milices ; où les perquisitions des entreprises de presse – comme celle qui avait avortée chez Mediapart – sont légales et bafouent le secret des sources ; où l’anonymat numérique et les vidéos d’interventions policières – actuellement menacées par la proposition de loi « sécurité globale » – sont interdites au nom de « l’unité de la nation » ; où le pouvoir politique, nouvellement élu, s’abandonne à des dérives autoritaires sous couvert de lutte contre « le séparatisme ». Le tout face à une presse qui, coincée entre ses leçons de prêt-à-penser déconnectées, les injonctions hiérarchiques à produire du contenu attrape-clics et les intérêts politico-financiers de ses propriétaires, peine à incarner un quatrième pouvoir.

Un tableau sombre, mais d’une acuité percutante, qui s’assemble selon une logique dramaturgique fragmentaire. A la manière d’une composition cinématographique, Julie Guichard orchestre un ballet de scènes d’une fluidité remarquable, où les lieux et les personnages se succèdent sans accroc. Profitant d’une troupe très engagée et d’un plateau presque nu, avec seulement quelques chaises, les lumières bien senties de Brendan Royer et d’élégants panneaux amovibles pour sculpter l’environnement, elle impose au texte de Perrine Gérard un rythme de plus en plus soutenu. A mesure que les pièces du puzzle s’imbriquent, il génère une sensation d’étouffement, d’enfermement, comparable à celle que peuvent ressentir ces journalistes qui, malgré leur engagement, se retrouvent dans une impasse. Façon, pour le théâtre, de jouer son rôle de lanceur d’alerte, essentiel, quoi qu’on en dise, à nos démocraties.

Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr

Antis
Texte Perrine Gérard
Mise en scène Julie Guichard
Accompagnement artistique Maxime Mansion
Avec Ewen Crovella, Sophie Engel, Jessica Jargot, Maxime Mansion, Nelly Pulicani
Assistanat à la mise en scène Bastien Guiraudou
Scénographie Camille Allain-Dulondel
Costumes Sigolène Petey assistée de Joanne Haennel
Lumières Brendan Royer
Son Quentin Dumay
Musique originale Morto Mondor-Quentin Martinod, Guillaume Vesin

Production Le Grand Nulle Part / EN ACTE(S)
Coproduction Théâtre National Populaire de Villeurbanne, Théâtre 14
Avec le soutien de la DRAC et de la Région Auvergne Rhône-Alpes, de la Spedidam, de l’Adami et de la Ville de Lyon
Remerciements à La Fédération-Compagnie Philippe Delaigue

Durée : 1h35

Théâtre de Villefranche
le 12 janvier 2021

7 novembre 2020/par Vincent Bouquet
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