Olivier Py et Enzo Verdet offrent aux participants de l’atelier théâtre du centre pénitentiaire d’Avignon-Le Pontet une version adaptée de la pièce de Sophocle. Malgré une diction perfectible, les sept acteurs-détenus y brillent par l’intensité et l’authenticité de leur jeu.
Voilà quatre ans qu’Olivier Py s’est lancé dans une audacieuse mission. Poussant les feux de la politique d’accessibilité à la culture à tous les publics du Festival d’Avignon, son directeur a voulu mettre un place un atelier de création théâtrale au centre pénitentiaire d’Avignon-Le Pontet pour permettre à un groupe de détenus de créer un spectacle. Après Prométhée enchaîné et Hamlet, le metteur en scène a opté pour Antigone de Sophocle dont il a extrait la substantifique moelle afin d’offrir à ces comédiens amateurs un peu particuliers un substrat textuel pleinement adapté.
On le voit immédiatement, le choix de cette pièce n’a rien d’anodin et fleure bon le symbole pour ces hommes dont les conditions de détention, souvent difficiles, mettent chaque jour à l’épreuve le mot « dignité ». On imagine à quel point le combat d’Antigone, bien décidée à honorer la mémoire de son frère Polynice, en dépit de l’interdiction ordonnée par Créon, a pu résonner en eux et rencontrer leurs questionnements intimes sur la légitimité de la loi ou sur l’idée que, quoi qu’il ait fait, un homme doit toujours rester un homme. On le perçoit, d’ailleurs, au fil de leur performance dans la ferveur avec laquelle ils prononcent ces mots, rendus limpides, modernes et tranchants par la subtile traduction de Florence Dupont.
Olivier Py et Enzo Verdet ne leur ont pourtant fait aucun cadeau scénique. Projetés sur un plateau nu, avec la photo d’une ville en ruines en guise de décor, Christian, Gryne, Mourad, Paulu Andria, Pierrick, Redwane et Youssef se retrouvent seuls face à un public installé en tri-frontal, avec le texte de Sophocle pour unique allié. Malgré une diction parfois approximative, ces acteurs-détenus, habilement dirigés par le duo de metteurs en scène, étonnent par leur présence et leur authenticité de jeu. En Créon impressionnant d’autorité et en Antigone criante de sincérité, les deux comédiens font claquer leurs tirades avec une intensité qui les éclaire d’un jour nouveau. Rarement le malheur d’Antigone et les tourments de Créon n’auront été aussi facilement appréhendables, aussi immédiatement perceptibles. Du théâtre qui n’a rien à envier à celui de certains pros.
Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr
Antigone
Avec les participants de l’atelier théâtre Gryne, Jacques, Jean-Michel, Mourad, Paulu Andria, Pierrick, Redwane, YoucefTexte Sophocle
Traduction Florence Dupont
Ateliers de création théâtrale dirigés par Olivier Py, Enzo VerdetProduction Festival d’Avignon
Avec le soutien de la Fondation M6, du Fonds interministériel de prévention de la délinquance / Ministère de l’Intérieur
Durée : 1hFestival d’Avignon 2018
La Scierie
Les représentations d’Antigone sont conditionnées aux autorisations de sortie délivrées, quelques jours avant, par l’autorité judiciaire. Dans le cas où les représentations ne pourraient avoir lieu, les spectateurs en seraient personnellement prévenus.
Du 18 au 20 juillet à 11h et 15h
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