Annoncée par le gouvernement le 14 mars pour lutter contre la propagation du coronavirus, la fermeture des théâtres place les intermittents du spectacle dans une situation difficile. Dans l’attente de solutions gouvernementales, ils cherchent comment sortir de l’impasse.
Sur le groupe facebook « Solidarité spectacle vivant – Covid-19 » créé à 15h le 13 mars, soit deux heures à peine après l’allocution télévisée par laquelle Franck Riester annonçait l’interdiction de rassemblements de plus de 100 personnes, l’heure est aux questions et à la réflexion. L’activité y est telle que le lendemain, son fondateur Benoît Lahoz – comédien et vidéaste, il jouait encore samedi dans l’un des rares spectacles maintenus à Paris, Enterre-moi mon amour de Clea Petrolesi au Théâtre Paris-Villette – se voit forcé de poster un message : « Après 24 heures d’existence de ce groupe, nous devenons très très nombreux-ses. Je ne peux pas gérer seul sa modération et je cherche des modérateurs-trices pour aider à le garder efficient : partage d’informations, demande de conseils, prospective, redirection vers l’action des syndicats, etc ». Cet appel témoigne de l’inquiétude générale des artistes, en particulier des intermittents, face aux annulations multiples de spectacles jusqu’à mi-avril au moins. Il dit aussi le mouvement d’entraide qui voit le jour.
Le drame des heures perdues
Dès l’interdiction de rassemblements de plus de 1000 personnes le 8 mars, le Syndicat Français des Artistes Interprètes exprimait la préoccupation des personnes touchées. Il lançait aussi un questionnaire qui lui permettait d’estimer le 11 mars que « plus de 600 artistes intermittent·e·s du spectacle sont concerné·e·s, pour un total cumulé de plus de 655 dates annulées ». Le chiffre est bien sûr aujourd’hui très largement supérieur. Pour la chorégraphe et dramaturge Marjory Duprés, c’est un « choc ». « Nous n’avions pas vraiment mesuré la gravité de l’épidémie avant la fermeture des écoles et l’interdiction de rassemblements du 13 mars. Donc là, c’est un peu la panique dans le milieu du spectacle vivant. L’arrêt des spectacles met de nombreux artistes et compagnies en danger sur le plan financier. En perdant des heures, on craint notamment de ne pas pouvoir reconduire notre statut ».
En pleine création de Ghazal – غـــــزل, où elle questionne le parcours intime de femmes ayant vécu l’exil, l’artiste « reste suspendue à l’évolution de la situation ». En résidence à Paris pendant trois semaines, elle souhaitait au départ maintenir le programme de sa compagnie Les Jours dansants pour la semaine à venir. De même que les ateliers ou « Laboratoires in situ » qui accompagnent chacune de ses résidences. Mais après discussion avec son équipe, c’est l’annulation qui a été décidée, « par responsabilité face au désastre sanitaire ». La situation est plus critique encore pour les compagnies qui viennent de créer. C’est le cas par exemple de la compagnie Massala de Fouad Boussouf, dont la pièce Oüm née en février lors du festival Les Hivernales à Avignon devait se jouer en mars en Allemagne puis à La Rose des Vents à Lille. « Un spectacle a besoin d’une dizaine de dates pour arriver à maturité. Il a aussi besoin de rencontrer un public et des professionnels. En l’absence de ces rendez-vous, la saison suivante sera compromise », affirme le chorégraphe.
Le report : une solution idéale ?
Le poids du confinement est particulièrement lourd à porter pour les compagnies qui tournent à l’international. Pour Delavallet Bidiefono, qui devait poursuivre la tournée de Monstres, la situation impose de renvoyer au Congo ses interprètes, dont la présence en France est très coûteuse pour la compagnie. « Il va en plus falloir trouver des solutions pour les aider à faire face à la situation, plus compliquée encore pour eux dans la mesure où ils n’ont pas d’intermittence. Nous attendons que le gouvernement mette en place des dispositifs d’aide aux artistes. Rien de clair ne semble encore avoir été décidé ». Comme à Fouad Boussouf, les théâtres qui devaient l’accueillir avec ses danseurs lui font en plus part d’une annulation, sans possibilité de report. Un cas de figure idéal selon l’artiste, « mais à priori difficilement réalisable ».
Co-fondatrice avec Brice Berthoud de la compagnie Les Anges au Plafond, la comédienne-marionnettiste et metteure en scène Camille Trouvé, qui a dû annuler son Bal marionnettique créé pour la clôture du festival Marto ! le 14 mars est du même avis. « Quand bien même un report serait possible, ce qui ne sera pas le cas au-delà d’un certain nombre de spectacles annulés en mars-avril, il pèserait sur les compagnies programmées la saison suivante. Et les artistes ne seront pas forcément libres aux dates proposées. Il me semble qu’une aide de l’État aux lieux pour pallier à la perte de billetterie serait l’idéal. Ces derniers pourraient ainsi honorer leurs contrats auprès des compagnies, et soutenir ainsi les intermittents, qui sont les plus fragiles dans la chaîne du spectacle vivant ». Les Anges au Plafond ont toutefois accepté de jouer leur bal en fin de saison du Théâtre 71.
Quelques perspectives
Myriam Saduis, dont Final Cut devait se jouer en Belgique et en France, lors de la Biennale des Écritures du réel à Marseille, se voit elle aussi proposer des dates de report. « Mais ne sachant pas combien de temps va durer l’épidémie, on imagine plutôt, avec nos partenaires, reporter à l’automne », dit-elle. Vivant à Bruxelles, où la fermeture totale des salles de spectacles a été décidée avant la France, elle est à l’affut d’informations concernant les deux pays. « On parle ici de la création d’un fond de soutien, afin de prendre en charge les frais déjà engagés pour des contrats désormais annulés, mais ce n’est pas encore très clair. La Ministre de la Culture de la Fédération Wallonie-Bruxelles l’a en tout cas évoqué. Des associations professionnelles du secteur culturel travaillent à chercher des solutions, Pour la Biennale des écritures du réel, à Marseille, la situation est complexe, il s’agit d’un Festival, avec beaucoup de lieux partenaires… On doit toutes et tous être solidaires, on est devant une situation inédite ».
Même en répondant à nos questions par téléphone, les artistes dont les paroles sont restituées ici suivent souvent l’arrivée de nouvelles du gouvernement, des syndicats et autres organismes intéressés. C’est ainsi que nous avons appris qu’Audiens, le groupe de protection sociale des professionnels de la culture, de la communication, se mobilise à travers la mise en place d’un service de téléconsultation médicale et d’« aides sociales spécifiques » qui demandent encore à être précisées. Un « formulaire de demande ainsi que la liste des documents à fournir seront disponibles dans le courant de la semaine du 16 mars 2020 », lit-on sur leur site internet. On apprend aussi que circule une pétition pour reculer la date d’indemnisation intermittents du spectacles. Des pistes à suivre, ainsi que celles qui, espérons-le, ne manqueront pas d’apparaître d’ici les prochaines heures.
Anaïs Heluin – www.sceneweb.fr
J’ai créé vite fait une pétition aussi, pour la réduction de notre nombre d’heure afin de réaliser notre dossier intermittent, plus judicieux je trouve qu’un simple report de la date. Que se passera-t-il pour ceux dont le recul de la date tombe sur une zone creuse? Ceux qui devait finir leur dossier sur la période du covid-19? Va-t-on remonter sur 12 mois+X… La réduction du nombre d’heure présente aussi l’avantage d’amortir aussi les spectacles qui seront perdus aussi à la sortie de la crise…
http://chng.it/stRrvXPfGw
Justine