Claudia Stavisky directrice du Théâtre des Célestins de Lyon met en scène Tableau d’une exécution de l’anglais Howard Barker avec une distribution éblouissante et notamment dans le premier rôle Christiane Cohendy magistrale dans le rôle d’une peintre qui se bat face au pouvoir politique. L’action de la pièce se déroule dans la République de Venise en 1571, mais elle est totalement d’actualité. Avec la metteuse en scène on parle de politique, de culture et de la place des femmes dans la culture.
C’est une pièce d’actualité qui parle des politiques et des artistes, il met en exergue leurs relations.
Il est effectivement question du rapport entre le pouvoir et la culture. Le fait que cette artiste soit une femme n’est pas anodin. On la suit dans son processus de création depuis les premiers coups de pinceaux jusqu’à leurs conséquences lorsque l’œuvre sera achevée. C’est une pièce complexe, construite comme une fugue de Bach. Howard Barker possède le génie de synthétiser des thématiques en peu de mots. A travers ces 19 tableaux, il raconte la création d’un œuvre d’art et sa mort. Il parvient à créer un théâtre d’idées philosophiques sans formalisme. C’est le dernier tragédien vivant avec une langue très aiguisée et très crue mais qui sait être poétique avec de longues envolées lyriques. Il alterne des moments de tension et des moments de comédie comme le faisait Shakespeare.
« L’acte de peindre, c’est comme un acte d’arrogance » dit-elle au début de la pièce. Est-ce que cela est la même chose avec l’acte théâtral ?
On reproche souvent aux artistes d’être arrogants mais comment peut-on rivaliser avec la nature ? Alors oui créer c’est parfois se vanter. Le geste artistique et théâtral est souvent utopique et désespéré. C’est pourquoi il peut paraître arrogant.
Quand le pouvoir s’aperçoit que la toile n’est conforme à son attente, on entend tout un discours sur la dégénérescence de l’art qui n’est pas éloigné du discours ambiant d’une partie de la classe politique.
C’est comme si certains personnages politiques étaient totalement décomplexés. Ils attribuent à la culture la totalité des échecs qui leur appartient. Malheureusement on entend ce discours sur l’inutilité de la culture, sur les coûts exorbitants sans penser à ce qu’elle rapporte économiquement et en termes de lien social. C’est terrifiant de l’entendre même en dehors du discours du Front National.
Est-ce que le fait que le personnage central soit une femme renforce la complexité des rapports avec le pouvoir politique ?
Je le pense sincèrement. Cela rend plus compliqué le rapport de l’artiste à son art. Il faut qu’elle en fasse quatre fois plus qu’un homme. Les jugements et les préjugés sont plus durs pour une femme que pour un homme. C’est toujours le cas aujourd’hui.
« Ce n’est pas viril, c’est criard ». Tout est dit dans cette phrase prononcée à la fin de la pièce.
C’est le discours misogyne par excellence. Je l’ai parfois entendu moi-même. On m’a déjà dit que j’avais fait une mise en scène virile, comme si c’était un compliment. Ou alors « on ne voit pas la féminité dans votre mise en scène ». J’ai entendu des choses comme cela pendant des années.
Le choix de Christiane Cohendy pour interpréter le texte était une évidence pour vous ?
J’ai l’impression que ce rôle a été écrit pour elle. Elle est Galactia. Elle a été bouleversée par le texte. Ce qu’elle fait est supérieur à tout ce qu’elle a fait. Elle ne se ménage car on ne peut faire aucune concession avec le texte d’Howard Barker.
Propos recueillis par Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
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