Chez Pinter il vaut mieux rire au début car à la fin en général ça se gâte.
Comme le dit Goldberg à McCann, au début du premier acte : « Détends-toi, prends des vacances, offre-toi ce plaisir. » Ce théâtre de la menace, qui caractérise la plupart des pièces de Pinter, s’ouvre sur de la détente, sur ces vies toutes simples faites d’habitudes et de petits compromis si quotidiens et si drôles. On rit de ces répliques qui tombent à plat, de ces vies absurdes et tellement humaines. Même les bourreaux sont drôlement humains, eux aussi ont leurs fragilités, leurs doutes, eux aussi rêvent de vacances… comme nous. « On oublie parfois que les tortionnaires s’ennuient très facilement », nous rappelle Pinter. Alors, tout le monde essaye de se distraire, on rit… puis, au fil de la pièce, on rit un peu moins pour finalement regretter d’avoir ri.
Car derrière cette comédie féroce, typiquement anglaise, très enlevée, on est confronté à la délation, à l’enfermement et à la torture. C’est un thème récurrent dans l’oeuvre de Pinter, l’image de l’Homme bâillonné, aveuglé, humilié est annonciatrice des images des prisons d’Abu Ghraib : que ce soit dans les geôles des régimes totalitaires ou dans les prisons aseptisées des régimes démocratiques, Pinter nous oblige à regarder cet Homme nu, bâillonné, soumis.
Mais il va plus loin, il sème le doute pour que nous nous reconnaissions non seulement dans cet homme qui souffre, mais aussi dans le bourreau ou dans le témoin qui est peut-être le dénonciateur. Pinter n’a que faire d’une morale où le bien et le mal seraient facilement discernables, reprenant à son compte cette phrase de Beckett : « Là où nous avons à la fois l’obscurité et la lumière, nous avons aussi l’inexplicable. » La victime a sa part de médiocrité et le bourreau sa part de fragilité. Ce ne sont pas les régimes totalitaires facilement condamnables qui intéressent Pinter, c’est le bourreau qui habite chacun des citoyens du monde libre. Il s’intéresse à ce qui dans nos démocraties peut basculer vers le totalitarisme. Le mal est ici, en nous, il suffit de se regarder attentivement dans un miroir. Note d’intention de Claude Mouriéras d’après dossier de presse.
L’Anniversaire
Harold Pinter
traduction Éric Kahane
mise en scène Claude Mouriéras
Avec
Cécile Brune, Meg Boles
Éric Génovèse, Nat Goldberg
Nicolas Lormeau, Peter Boles
Nâzim Boudjenah, Seamus McCann
Jérémy Lopez, Stanley Webber
Marion Malenfant, Lulu
Scénographie et lumières, Yves Bernard
Costumes, Coralie Sanvoisin
Son, Roman Dymny
Assistant mise en scène, Renaud Durville
Pour la première fois à la Comédie-Française
L’Arche est agent théâtral du texte représenté.
du 18 septembre au 24 octobre 2013
mardi à 19h, du mercredi au samedi à 20h, dimanche à 16h, relâche lundi
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