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« Pinocchio Créature » : mécaniques du cœur et cercles de liens

A voir, Les critiques, Paris, Théâtre
Sophie Bricaire crée Pinocchio Créature d’après Carlo Collodi avec Claïna Clavaron au Studio-Théâtre de la Comédie-Française
Sophie Bricaire crée Pinocchio Créature d’après Carlo Collodi avec Claïna Clavaron au Studio-Théâtre de la Comédie-Française

Photo Vincent Pontet

Au Studio-Théâtre de la Comédie-Française, Sophie Bricaire redonne vie au plus célèbre des pantins dans un écrin de cordages qui fait la part belle aux liens et à l’artisanat théâtral. Une adaptation qui renouvelle la vision de l’œuvre tout en restant fidèle à son intrigue. Pinocchio Créature offre à Claïna Clavaron un premier rôle qui fait honneur à son aura généreuse, toute en musculature, sourire large et exaltation fougueuse.

Qui ne connaît pas Pinocchio ? Le petit bonhomme de bois dont le nez s’allonge à chaque mensonge, inventé par l’italien Carlo Collodi et popularisé par Disney, a fait le tour du monde. Le pantin né d’une branche de pin entre les mains d’un artisan sans enfant prénommé Gepetto appartient à nos enfances, à notre imaginaire collectif. La metteuse en scène Sophie Bricaire s’y replonge et l’adapte aujourd’hui en prenant soin de transmettre les valeurs qui en émanent avec enthousiasme et clarté. Fidèle à sa trame originelle, elle y insuffle une modernité langagière en conservant la part poétique et en accentue certains aspects. Surtout, elle en propose une narration chorale qui a le mérite de ne pas se focaliser sur le héros de l’histoire, mais plutôt sur les liens qu’il tisse avec les autres personnages. Et ce, dès l’entrée en matière, prologue percutant qui remplace le traditionnel « il était une fois » par une adresse directe au public à l’avant-scène. Façon de faire les présentations. Ce préambule annonce la teneur et le ton de la représentation et vient remuer en chacun·e ce qui préside à sa propre origine : « On est tous le fruit d’une histoire ».

Car Pinocchio est un conte sur la filiation, la paternité et l’affranchissement, qui traverse un millier de motifs propres à l’enfance : le besoin d’explorer et d’aller vers l’inconnu, la désobéissance et ses conséquences, la naïveté et la confiance aveugle, l’impatience et les envies immenses, les premières trahisons et déconvenues, le goût immodéré du jeu, l’excès en tout, la mauvaise foi, le danger… Si le chemin de Pinocchio le conduit vers des impasses, l’enfant inconscient qui n’en fait qu’à sa tête apprendra de ses erreurs. Anges gardiens bienveillants ou voyous fourbes et méchants, les personnages qu’il rencontre sont les jalons de son émancipation. Car bêtises et fourvoiement sont au cœur du processus même de maturité : il faut se perdre pour se retrouver, se tromper et faire les mauvais choix pour comprendre petit à petit, avec l’aide d’une fée marraine protectrice, les vertus du temps, de la mesure, de l’effort et de l’amour vrai.

Dans un ingénieux décor de cordes suspendues qui place la manipulation au cœur du dispositif et évoque les fils du pantin, les interprètes en activent eux-mêmes les ressorts au fil de l’intrigue. Là un ballon rouge, ici un masque de chat, là une tête de renard ou encore une perruque, ce sont des objets symboliques et annonciateurs, une scénographie d’accessoires qui rappelle les castelets de marionnettes aussi bien que les mobiles penchés sur les lits de bébé. Un univers ludique et coloré qui permet tout autant de camper le pays des jouets que l’enseigne d’une taverne mal fréquentée. Un environnement féérique et aérien qui jamais ne pèse, mais plane au-dessus d’un plateau nu, renouvelé au gré de la représentation. Les bruitages éloquents et les costumes font le reste et dessinent un monde imaginaire, en particulier la garde-robe classieuse de Françoise Gillard et les métamorphoses incessantes d’Élissa Alloula et Thierry Godard, qui cumulent et enchaînent les rôles secondaires avec un plaisir caméléon et un sens comique délectable.

À la mise en scène, Sophie Bricaire alterne récit et scènes dialoguées dans une grande dynamique de jeu qui déborde du plateau pour investir la salle. Son Pinocchio est une comédienne et son adaptation intègre cette donne revendiquée. Ce n’est pas non plus un simple pantin de bois, quoique la couleur du costume et la sciure du début attestent de son matériau de fabrication, mais sa réalisation est augmentée d’un mécanisme de clé à ressort apparent et de renforcements au niveau des articulations. C’est une créature de Pinocchio moderne, du moins post-industrielle, et Claïna Clavaron qui l’incarne déploie une énergie folle, témoignant de capacités physiques impressionnantes. La comédienne se donne à fond pour embarquer dans son sillage, irrévérencieuse, fonceuse et frondeuse, elle insuffle à sa gestuelle une ampleur toute personnelle, qui contraste joliment avec la sagesse et le calme d’Alain Lenglet en Gepetto et l’angélisme de sa bonne fée à qui Françoise Gillard prête sa grâce éthérée et l’aplomb de celle sur qui on peut compter.

Ce Pinocchio Créature réussit la gageure de s’emparer d’une manière singulière et nouvelle d’un monstre sacré de la littérature italienne jeunesse, maintes fois adapté, que ce soit au cinéma – on pense à la version inoubliable de Luigi Comencini –, en dessin animé – le fameux Disney – ou au théâtre – notamment par Joël Pommerat dans un spectacle à la beauté éternelle. Sophie Bricaire trouve sa voie et son angle en misant sur la part symbolique du conte. Elle fait de Pinocchio une enfant androgyne survoltée, le corps monté sur ressorts, toujours prompte à bondir, courir, s’élancer vers la vie. Une tête brûlée pleine de bonne volonté, mais incapable de résister aux tentations et impossible à canaliser. Le temps fera son œuvre. En faisant l’école buissonnière, l’enfant s’aventure et grandit. De l’espace minuscule de la maison de son père matérialisé par une trainée de sciure circulaire au royaume psychédélique et sans limites des jouets, où il sera transformé en âne sous des nuées de bulles de savon, de la rondeur des pièces d’or à l’anneau de lumière final, la figure du cercle traverse la représentation, symbole démultiplié qui donne du sens à cette trajectoire. Et si la beauté des images est parfois un peu écrasée par un jeu qui force le trait et empêche l’avènement d’un climat plus onirique, la tenue, la cohérence et la portée esthétique de l’ensemble, la liberté et la qualité de l’adaptation, et surtout l’importance des valeurs transmises à la jeunesse, font de ce spectacle une expérience joyeuse, un parcours initiatique riche et nourrissant.

Marie Plantin – www.sceneweb.fr

Pinocchio Créature
d’après Carlo Collodi
Adaptation et mise en scène Sophie Bricaire
Avec Alain Lenglet, Françoise Gillard, Élissa Alloula, Claïna Clavaron, Thierry Godard
Scénographie Philippine Ordinaire
Costumes Alex Costantino
Lumières Jeanne Guillot
Son mme miniature
Assistanat à la scénographie Nina Coulais
Assistanat à la mise en scène Aristeo Tordesillas de l’académie de la Comédie-Française
Assistanat à la scénographie Anaïs Levieil de l’académie de la Comédie-Française
Assistanat aux costumes Aurélia Bonaque Ferrat de l’académie de la Comédie-Française
Assistanat au son Samuel Robineau de l’académie de la Comédie-Française

Durée : 1h
À partir de 8 ans

Studio-Théâtre de la Comédie-Française, Paris
du 22 mai au 29 juin 2025

27 mai 2025/par Marie Plantin
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