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Christine Letailleur dresse le théâtre contre le Pacifique

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Jean-Louis Fernandez

© Jean-Louis Fernandez

Après Hiroshima mon amour en 2009, Christine Letailleur renoue avec l’écriture de Marguerite Duras. Avec la grande Annie Mercier dans le rôle de la mère, sa mise en scène de L’Éden Cinéma nous mène droit dans le Pacifique durassien.

Réécriture pour la scène d’Un barrage contre le Pacifique par Marguerite Duras elle-même en 1977, L’Éden Cinéma porte de nombreuses traces de l’écriture romanesque qui l’a précédée de vingt-sept ans. Le récit, déjà, est le même : on y suit le quotidien de Suzanne, de son frère Joseph et de leur mère, Marie Donnadieu, en Indochine française. Les vaines tentatives de cette femme pour éviter l’inondation de sa parcelle de terre, qui lui a coûté dix ans d’économie et une partie de sa santé mentale, y apparaissent comme un leitmotiv. Les nombreuses didascalies de la pièce, ainsi que les longs monologues qui s’invitent souvent au milieu d’échanges plutôt brefs, portent aussi une trace du roman écrit en 1950. En plus de la langue unique de Duras, qu’elle a déjà abordée en 2009 avec Hiroshima mon amour, c’est cet hybride qui a décidé Christine Letailleur à monter L’Éden Cinéma. En route pour le Pacifique.

« Je me souviens qu’à la lecture de L’Éden Cinéma, j’avais été complètement subjuguée par la forme du texte, je la trouvais audacieuse. Duras bouscule les frontières, elle nous fait voyager entre théâtre, cinéma et littérature », analyse la metteure en scène associée au Théâtre National de Strasbourg où a été créée sa pièce. Pour rendre sensible ce mélange des genres, elle met l’acteur au centre d’un dispositif assez simple : un écran qui ne diffusera rien d’autre que des couleurs, et une scène en bois posée au milieu du plateau, telle une esquisse du bungalow où vivent les trois personnages principaux de la pièce. Sur cette plateforme se dressent d’autres écrans, coulissants ceux-là, qui créent un effet de profondeur, de mystère.

Pas un signe des tropiques, dans cet Éden Cinéma. Pas plus que de la pauvreté de la famille, ou encore des barrages, réels et mentaux, construits par mère pour éviter de sombrer tout à fait dans le désespoir. L’Indochine de Marguerite Duras est pourtant bien présente dans cet Éden Cinéma : elle loge avant tout dans les mots, portés Annie Mercier (la mère), Caroline Proust (Suzanne), Alain Fromager (Joseph) et Hirosho Ota (Mr Jo, un riche planteur du Nord qui aime ou croit aimer Suzanne, mais ne peut l’épouser du fait de sa trop basse situation sociale). Christine Letailleur ne pousse toutefois pas la disparition du jeu au point d’un Claude Régy, qui montait la pièce en 1977 avec Madeleine Renaud, Bulle Ogier, Michaël Lonsdale et Jean-Baptiste Malartre. Il y a tout de même du corps dans ce nouvel Éden Cinéma, qui s’active en une mécanique souvent déréglée, dont la fin ne laisse aucun doute.

Chaque interprète a sa manière bien particulière de s’emparer du verbe durassien. Avec son timbre profond et sa manière de casser les phrases à des endroits inattendus, Annie Mercier est la grande cheffe des voix tragiques dont la solitude est immense malgré les nombreux dialogues qui les unissent. Peut-être même à cause d’eux. Elle se déplace peu, lentement, et embarque toujours avec elle une ironie, un humour qui est son barrage personnel contre le pathos. Son jeu ambigu, à la fois intense et distant, révèle tout du statut de son personnage avant même qu’il soit éclairci. Dans L’Éden Cinéma, Suzanne et Joseph qui assument ensemble la narration sont adultes ; si leur mère est vivante dans les souvenirs qu’ils évoquent ensemble, on apprend qu’elle est maintenant décédée.

Caroline Proust excelle dans le passage d’un âge à l’autre. Aussi convaincante en enfant effrontée, éprise de liberté, qu’en Suzanne mature et plus résignée, elle forme avec Alain Fromager un duo contrasté. Ce dernier est en effet un Joseph dont la colère s’exprime par les gestes autant que par les mots. Contrairement à Hirosho Ota, qui est un Mr Jo dont le corps ne trahit rien de la douleur qu’il formule à chacune de ses visites au bungalow. Cette variété d’interprétation a l’avantage de donner à voir la complexité de l’écriture durassienne, sa manière de rassembler les genres et les registres pour échapper à chacun. Elle a par contre tendance à empiéter sur sa part d’étrange, sur ses silences qui épaississent la tragédie et lui donnent une dimension métaphysique. Mais tout Duras tient rarement en une seule pièce, et cet Éden Cinéma en est une preuve réussie.

Anaïs Heluin – www.sceneweb.fr

L’Éden Cinéma

Texte : Marguerite Duras
Mise en scène : Christine Letailleur

Avec : Alain Fromager, Annie Mercier, Hiroshi Ota, Caroline Proust

Scénographie : Emmanuel Clolus, Christine Letailleur
Lumière : Grégoire de Lafond, avec la complicité de Philippe Berthomé
Son : Emmanuel Léonard
Vidéo : Stéphane Pougnand
Costumes : Élisabeth Kinderstuth
Assistanat à la mise en scène : Stéphanie Cosserat

Christine Letailleur est metteure en scène associée au TNS
Le décor et les costumes sont réalisés par les ateliers du TNS
Le texte est publié aux éditions Gallimard (1989)
Avec les extraits des films Erotikon de Gustav Machatý (1929) et Le village de Namo : panorama pris d’une chaise à porteurs de Gabriel Veyre (1900)
Avec l’autorisation de Dilia, de la Národní filmový archiv et de Sessler Verlag pour Erotikon.

Production : Théâtre National de Strasbourg, Compagnie Fabrik Théâtre
Avec le soutien de La Colline − théâtre national

Spectacle créé le 4 février 2020 au Théâtre National de Strasbourg

Durée : 2h

Théâtre National de Strasbourg

Du 4 au 20 février 2020

Théâtre de la Ville – Paris

Du 2 au 19 décembre 2020

Grenoble
Automne 2020 à la MC2: − Maison de la Culture − Scène nationale

Aix-en-Provence
Automne 2020 aux Théâtres − Théâtre du Jeu de Paume

8 février 2020/par Anaïs Heluin
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