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Vivre sa vie : la surcharge théâtrale de Charles Berling

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Charles Berling monte Vivre sa vie d'après Jean-Luc Godard au Théâtre 14
Charles Berling monte Vivre sa vie d'après Jean-Luc Godard au Théâtre 14

Photo Vincent Bérenger

Au Théâtre 14, le metteur en scène et directeur de Châteauvallon-Liberté empile les couches scéniques et textuelles jusqu’à étouffer presque totalement le scénario du chef d’œuvre de Godard.

Cohabitent dans Vivre sa vie au moins deux forces motrices qui permettent au film de Jean-Luc Godard de toucher au sublime : la musique de Michel Legrand, d’une part, qui, par sa simplicité entêtante, l’enrobe d’une aura magnétique ; la performance d’Anna Karina, de l’autre, qui lui offre une profondeur et une grâce incomparables. Comme souvent chez Godard, le choix du cadre vaut tout autant, si ce n’est plus, que celui des mots. Il y a, dans Vivre sa vie, ce qui est dit et ce qui se lit, sur les visages notamment, à commencer par celui de la comédienne. Filmé sous toutes les coutures, il transmet ce qui ne peut être directement énoncé, cette mélancolie qui colore, et parfois déborde, l’enthousiasme apparent des mots. Objet de toutes les attentions, son regard est à ce point expressif, ou impassible, qu’il en dit souvent plus long, voire en vient à contrebalancer ce qui est verbalisé. Et il suffit même, de temps à autre, d’un dialogue silencieux pour que tout s’éclaire, à l’image de ce face-à-face mythique et déchirant avec La Passion de Jeanne d’Arc de Dreyer. Autant d’éléments essentiels dont Charles Berling, dans l’adaptation théâtrale qu’il en livre au Théâtre 14, se trouve de fait, et malheureusement, privé.

Ne reste entre les mains du metteur en scène, qui en respecte doctement le séquençage en douze tableaux, « que » le scénario de Godard qui a, comme il le souligne lui-même, des « qualités littéraires » indéniables. Littéraires, mais aussi socio-politiques dans sa façon de brosser un tableau sans ambages de la prostitution, de ses ravages, de sa dureté, et de ses causes liées, tout à la fois, à la domination masculine et à la précarité économique. Si Nana décide de quitter Paul et son enfant, c’est bien, dans un premier temps, pour « vivre sa vie », « être une autre », embrasser pleinement son existence et assouvir son rêve de devenir actrice. Sa bascule dans la prostitution, la jeune femme ne la doit qu’au hasard qui, un soir, lui fait accepter une première passe et le pécule financier, colossal au regard de son maigre salaire de vendeuse, qui lui correspond. Dès lors, elle enclenche un cercle infernal qui, plutôt que de l’anéantir instantanément, la ronge à petit feu, de l’intérieur. Même si elle tente de se convaincre « qu’après tout, tout est beau, qu’il n’y a qu’à s’intéresser aux choses et les trouver belles », elle ne fait qu’entrer dans une nouvelle routine, plus sombre, plus aliénante, et plus dangereuse.

Au lieu de se satisfaire de ce parcours en forme de lente, très lente, dérive, de le creuser et de le façonner à sa main pour en faire ressortir la beauté cruelle, Charles Berling lui adjoint, avec l’aide dramaturgique d’Irène Bonnaud, une série de fragments textuels. S’invitent alors, entre deux tableaux ou en leur sein même, la Lulu de Frank Wedekind et le King-Kong Théorie de Virginie Despentes, le regard de Marguerite Duras sur la femme peintre Jeanne Socquet et les confessions de la prostituée militante Grisélidis Real (La Passe imaginaire, lettres à Jean-Luc Hennig), mais aussi la parole de Simone Weil sur le travail féminin (La Condition ouvrière, L’Iliade ou le poème de la force). Façon, pour le metteur en scène, de donner à entendre d’autres points de vue sur la prostitution et de tenter d’ouvrir la possibilité d’un débat plus contemporain. Las, si l’intention est louable dans son principe, elle peine à provoquer un réel dialogue au plateau. Mal amenés, ces fragments sonnent comme des appendices, des excroissances dispensables, qui, parce qu’elles ne parviennent jamais à se fondre dans le substrat initial, ne dépassent pas le stade de la coquetterie, de l’enluminure. Exploitées de façon très superficielle, comme expédiées, ces paroles d’un autre ton ne nous parviennent jamais vraiment et donnent la simple, et désagréable, sensation d’un empilement de couches textuelles, d’un patchwork, qui, sans jamais réussir à prouver son intérêt, contribue à noyer un texte qui n’en avait nul besoin.

Car, dans la droite ligne de cet amas désordonné, la mise en scène de Charles Berling est, elle aussi, passablement hypertrophiée et ressemble à un bingo scénique dont, des lumières à la vidéo, de la musique aux costumes, il aurait souhaité cocher toutes les cases. Tout est alors trop lourd, trop criard, trop changeant, trop tape à l’oeil, et tout souligne et surligne à l’envi ce qui se joue, jusqu’à l’étouffement. D’autant que le metteur en scène saute à pieds joints dans un piège féroce et, en citant esthétiquement des passages du film de Godard – la conversation de dos entre Nana et Paul accoudés sur le zinc, la jeune femme qui évalue sa hauteur avec sa main… – s’expose à la comparaison avec le réalisateur, dont il ne parvient jamais ne serait-ce qu’à approcher la poétique ; tout comme Pauline Cheviller qui, grimée en Anna Karina, ne supporte jamais, et logiquement, le parallèle. A l’avenant, ses trois compères, passablement dirigés jusqu’à sonner faux, semblent avoir le tournis à force de changer de rôles et ne projettent pas suffisamment le texte pour en révéler les enjeux. Comme si à trop vouloir se l’approprier, esthétiquement à tout le moins, Berling avait maquillé l’œuvre de Godard. Telle une voiture volée.

Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr

Vivre sa vie
Adaptation libre du scénario du film de Jean-Luc Godard
Accompagnée des textes de Virginie Despentes, Marguerite Duras, Henrik Ibsen, Bernard-Marie Koltès, Grisélidis Réal, Sophocle, Frank Wedekind, Simone Weil
Mise en scène Charles Berling
Avec Martine Schambacher, Pauline Cheviller, Sébastien Depommier, Nico Morcillo
Dramaturgie Irène Bonnaud
Scénographie Christian Fenouillat
Lumière Marco Giusti
Musique Sylvain Jacques
Vidéo Vincent Bérenger, Cyrille Leclercq
Coiffures & maquillage Cécile Kretschmar
Costumes Marie La Rocca
Assistante costumes Léa Perron
Assistant mise en scène Matthieu Dandreau
Chorégraphe Lyse Seguin

Production Châteauvallon-Liberté, scène nationale
Coproduction Théâtre Gymnase-Bernardines, Marseille / La Manufacture CDN Nancy – Lorraine
Le spectacle a reçu le soutien du Théâtre des Halles – Scène d’Avignon, du TGP-CDN de Saint-Denis, du Centquatre-Paris
En partenariat avec Le Théâtre des Halles – Scène d’Avignon

Durée : 1h25

Théâtre 14, Paris
du 14 au 23 décembre 2021

16 décembre 2021/par Vincent Bouquet
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