Dans C’est mort (ou presque), Joachim Latarjet porte à la scène les mots de Charles Pennequin, poète performeur qui trouve là un allié de choix pour faire résonner en musique électro-rock sa langue sinueuse et ses textes si drôles, concrets et fulgurants. Un concert théâtralisé d’homme-orchestre 2.0 à ne pas manquer.
Entre ses micros de toutes les formes, ses rampes à leds et ses multiples instruments – guitare électrique, tuba, basse, trombone, baglama et son ordi –, ce grand élégant de Joachim Latarjet surgit au milieu d’un bouquet de fleurs technologiques, tel un homme-orchestre 2.0. Trois coups tapotés sur un micro et se lance la boucle d’un battement de cœur. Riff à la guitare électrique et le voilà qui répète ad libitum en d’infinies variations « Plus c’est vivant, plus ça se redit » jusqu’à conclure « Car la répétition, c’est ça qui fait la vie ».
Ses textes, il est allé les chercher dans Pamphlet contre la mort de Charles Pennequin (publié chez P.O.L). L’ancien gendarme est, avec feu Christophe Tarkos, l’une des stars de la poésie française contemporaine. Mais star de la poésie, c’est clairement un oxymore. Et ce n’est pas sans peine que Joachim Latarjet a réussi à monter cette performance concert poétique et théâtralisé
Quand on pense poésie contemporaine, et plus particulièrement Charles Pennequin, on tourne le dos aux rimes et autres joliesses traditionnelles pour plonger dans une langue très orale, fluide, drôle. Tantôt abstraite, tantôt concrète, tantôt sociale, tantôt intime et autobiographique, la poésie de Pennequin telle que la véhicule ce spectacle est constituée de phrases longues, qui s’enroulent, se reprennent, se précisent ou se contredisent, elles épousent les mouvements d’une pensée qui est toujours vigilante à elle-même, à la manière dont elle se formule, ce qui ne l’empêche pas d’avancer vers de multiples fulgurances, images ou aphorismes qui restent en mémoire
« Parler c’est avoir des récriminations contre le monde », énonce par exemple en forme d’hommage au silence celui qui, notamment à travers son père ouvrier, dessine le quotidien des petites gens, des villes où « c’est mort » le soir dans la rue, des instantanés d’une vie familiale bancale, ou imagine encore ce que c’est que de « vivre comme un légume » et des performances qu’il compose uniquement dans sa tête. Véritable voyage initiatique dans l’univers composite d’un auteur à la noirceur amusée et amusante qui n’a de cesse, comme tout bon poète, d’interroger le langage et la parole, C’est mort (ou presque) enchaîne les textes comme des chansons, chacune trouvant sa forme et son unité musicale
On n’en ressort pas rassasié, mais avec la furieuse envie de découvrir plus avant la poésie de Pennequin. D’autant que dans une mise en scène qu’il a co-écrite avec Sylvain Maurice, Joachim Latarjet fait spectacle, visuel et sonore, de sa capacité à superposer les boucles qu’il lance en direct en changeant aussi facilement d’instrument que d’univers. De l’imposant tuba derrière lequel il disparaît au minuscule baglama aux sonorités orientales, avec une voix qui se transforme d’un micro à l’autre, le grand élégant traverse avec intelligence et malice une poésie qu’il a fait sienne, et dont il fait passionnément entendre et résonner les implicites et la beauté.
Eric Demey – www.sceneweb.fr
C’est mort (ou presque)
Texte Charles Pennequin
Composition originale Joachim Latarjet
Mise en scène Sylvain Maurice
Avec Joachim Latarjet
Son Tom Menigault
Lumière Rodolphe MartinProduction Compagnie Oh! Oui…et L’association [Titre provisoire]
Coproduction Théâtre de Sartrouville des Yvelines – CDNLa Compagnie Oh ! Oui… est conventionnée par le ministère de la Culture – DRAC Ile-de-France.
L’association [Titre provisoire] est conventionnée par la DRAC Bretagne – Ministère de la Culture.Pamphlet contre la mort est édité aux éditions P.O.L.
Durée : 50 minutes
Festival Off d’Avignon 2024
Théâtre du Train Bleu
du 3 au 21 juillet (sauf les 8 et 15), à 18h40Maison de la musique, Nanterre
le 14 novembreLe Radazik, Les Ulis
le 21 mars 2025
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