Cellule, solo foudroyant créé en 2017, s’arrête au festival Faits d’hiver 2024. Cellule, impressionne par la maturité d’une pièce à la dramaturgie évidente
Sur les paravents dressés en scène, des images défilent. Manifestation ou célébration, le mouvement est ici comme arrêté, la colère imprimée en noir et blanc. Silhouette « déformée » par une chemise oversize, Nach capte l’attention sans bouger. Le temps de Cellule, solo invité un peu partout en France et au-delà, l’interprète va déployer un éventail impressionnant de sensations. Elle est ce corps traversé de sentiments contradictoires, douceur et violence, souplesse et raideur.
Nach a percuté dans sa jeunesse le Krump, ce style urbain apparu du côté de Los Angeles et qui dit la rage et la lutte. Tout dans le Krump part du haut du corps, on laisse le travail au sol au hip hop. Du film de David Lachapelle, Rize, aux chorégraphies de Bintou Dembelé –notamment pour l’opéra Les Indes galantes mis en scène par Clément Cogitore-, le Krump s’est taillé une place à part dans les imaginaires chorégraphiques. Né avec le XXIè siècle, il en raconte les soubresauts. Nach a appris les bases sur le tas, a longuement pensé son approche.
Le résultat, Cellule, impressionne par la maturité d’une pièce à la dramaturgie évidente ; et si l’auteure sur le plateau ne parle pas en voix directe, elle souligne chaque geste d’un murmure, d’un souffle ou d’une grimace. Nach est actrice de son œuvre. Habillée de clair-obscur, la pièce étire chaque nuance sans en faire trop. Un rectangle de lumière rouge, une transe, chemise nouée à la taille, soit autant de grâce. Et de rage. Du Krump donc, Nach a retenu le buste saccadé, les frissons, les brusques arrêts. Mais elle développe une autre gestuelle, jusqu’au bout des doigts, ayant plus à voir avec les danses traditionnelles. Le geste n’est jamais vain.
Emmanuel Tussore signe vidéo et scénographie, attentif à chaque soubresaut de Nach. La bande-son, Nina Simone ou un court texte de Nach elle-même, Piste Noire, renforce l’impression d’une maîtrise rare. Souvent l’interprète toise le public –masqué comme il se doit- pour mieux garder la distance. Puis ose un regard langoureux. La Cellule dont il s’agit est, sans doute, celle que chacun se crée, défense illusoire. Nach explore sous nos yeux sa propre vulnérabilité. La force qui se dégage de sa danse est ailleurs. On pense alors à Oona Doherty, autre comète venue elle d’Irlande. Nach pourrait être sa petite sœur de combat. Au sortir de la salle du Colisée à Biarritz, une spectatrice passablement retournée lancera à sa voisine : « elle en a danse le ventre, cette danseuse ». Ce n’est pas faux.
Philippe Noisette – www.sceneweb.fr
Cellule
Nach
Chorégraphie, interprétation, textes et images Nach • Scénographie, conception lumière et vidéo Emmanuel Tussore • Directeur technique, conception son Vincent Hoppe • Construction décor Boris Munger et Jean-Alain VanDurée 45 minutes
26 zt 28 janvier 2024
Théâtre de la Bastille dans la cadre du festival Faits d’hiver
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