La Comédie de Saint-Étienne vient d’emménager dans ses nouveaux locaux, un bâtiment flambant neuf, lumineux, ouvert sur la ville et sur le quartier créatif Manufacture-Plaine-Achille, avec deux salles de spectacles, un restaurant, des salles de répétition. Ce nouveau théâtre est chaleureux, il semble déjà avoir conquis le public.
Pour cette inauguration, Arnaud Meunier, directeur de la Comédie de Saint-Étienne n’a pas fait le choix d’un spectacle tape à l’œil avec des vedettes. Il a passé une commande de textes à cinq auteurs : Fabrice Melquiot, François Beguadeau, Riad Gahmi, Marion Aubert et Elsa Imbert. Ce sont de courtes pièces de 45 minutes, interprétées par une centaine de jeunes comédiens. Il y a des amateurs, des collégiens, des lycéens, des décrocheurs, des apprentis ; mais aussi les comédiens de l’Ensemble artistique de la Comédie. Et maintenant ? c’est le titre de cette aventure théâtrale. C’était la dernière phrase du 11 septembre 2001, la pièce de Michel Vinaver, première mise en scène d’Arnaud Meunier à la Comédie de Saint-Étienne en 2011. Et maintenant que faisons-nous pour les 70 prochaines années de la décentralisation ?
Arnaud Meunier a délibérément placé la jeunesse au cœur de son projet artistique. La première représentation des textes de Fabrice Melquiot, L’Homme libre (dans la mise en scène d’Arnaud Meunier) et Nous sommes plus grands que notre temps de François Beguadeau (dans le mise en scène de Matthieu Cruciani et Cécile Laloy) a totalement bouleversé le public. Les deux distributions sont épatantes. Quelle émotion de voir sur le plateau ces jeunes comédiens qui ont travaillé deux ans pour aboutir à tel niveau de perfection. Les CDN sont-ils à bout de souffle ? Il n’y avait qu’à voir la vitalité et l’énergie dans le théâtre pour trouver totalement incongrues les interrogations du Ministère de la Culture sur l’utilité des CDN dans la France d’aujourd’hui.
Un nouveau lieu, de nouvelles salles, un nouveau projet artistique. Rencontre avec Arnaud Meunier, directeur de la Comédie de Saint-Étienne, qui est aussi avec Cécile Backès (directrice de la Comédie de Béthune) et Christophe Rauck (directeur du Théâtre du Nord), l’un des trois coprésidents de l’Association des CDN.
100 jeunes participent à l’ouverture de la Comédie de Saint-Étienne et sont présents sur le plateau avec des comédiens professionnels. Pourquoi cette présence de la jeunesse ?
Il était important d’envoyer comme signal que la Comédie de Saint-Étienne est un théâtre populaire. Sa mission est toujours la même qu’au moment de sa création. Il s’agit de présenter un théâtre exigent pour les publics les plus divers. Le monde de 2017 n’a plus rien à voir avec celui de 1947, c’est certain et la matière théâtrale n’est plus la même, mais l’ambition de toucher des plus très larges est toujours ce qui nous guide. Mettre la jeunesse au plateau en mélangeant amateurs et professionnels est une manière de rendre hommage à Jean Dasté. Le théâtre permet trois choses essentielles : le rapport à la parole, le rapport à l’imaginaire et le rapport à l’altérité. Ces jeunes appréhendent cela de manière très concrète à travers la pratique artistique. Ces jeunes n’avaient jamais mis les pieds dans un théâtre. On a travaillé pendant deux ans dans des ateliers pour aboutir à ces spectacles. C’est u théâtre de service public, pour tous.
Pourquoi avoir passé commande à des auteurs vivants ?
Les auteurs vivants sont le théâtre de demain. Quand Jean Dasté défend Bertolt Brecht, il est vivant. C’est encore plus important pour nous car nous sommes aussi une école d’art dramatique. Nous formons des comédiens dans l’espoir qu’ils changent le théâtre qui est un art vivant. J’avais envie que cette ouverture ressemble à une ruche de création. Dans cette maison se croisent au quotidien une centaine de personnes. Même si les CDN n’ont pas plus de troupe permanente, ils cherchent à reconstruire une permanence artistique. C’est ce que nous faisons ici avec l’Ensemble artistique qui travaillent auprès de la population pour animer des ateliers sur le terrain. C’est un cœur battant pour nous.
Quel doit-être le nouveau souffle des CDN ?
La décentralisation se réinvente au quotidien. La nouvelle génération de comédiens a pris ses sujets là à bras le corps. Les CDN sont les lieux qui abritent les productions des compagnies. Nous nous engageons sur la parité et sur la diversité pour que les plateaux représentent la réalité de la société française. Et puis à l’ère du numérique, réinventer la création aujourd’hui c’est se poser la question du rapport à la jeunesse et sur le métissage des disciplines. En même temps notre travail est de faire rayonner la Comédie de Saint-Étienne sur le territoire le plus vaste possible, y compris à l’international. On cherche à faire sens avec une population et un territoire et en même que l’on parle de nous aux quatre coins du monde.
Après la réunion houleuse de cet été, y-a-t-il quelque chose de cassé avec le Ministère de la Culture ?
J’espère toujours que le dialogue existe. Nous sommes un label national dont les financements de l’État constituent plus de 50% du financement. On attend une parole forte sur nos missions. La notion de la décentralisation a été peu réinterrogée par l’État. Alors que nous le faisons en permanence sur le terrain. On a besoin que l’État fixe un cap. Nos missions d’exigence et de renouveau du langage scénique sont au cœur de nos maisons. On aimerait que ce travail là soit mis en avant par le Ministère et ne pas être vécu comme étant une histoire héritée du passé mais comme étant les laboratoires de l’avenir.
Propos recueillis par Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
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