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Le Caligula vénéneux de Jonathan Capdevielle

Les critiques, Moyen, Paris, Théùtre
Jonathan Capdevielle monte Caligula d'Albert Camus au T2G Festival d'Automne Ă  Paris
Jonathan Capdevielle monte Caligula d'Albert Camus au T2G Festival d'Automne Ă  Paris

Photo Marc Domage

Au T2G, le metteur en scĂšne propose une vision audacieuse et organique de la piĂšce de Camus, oĂč, malgrĂ© certaines fragilitĂ©s, l’empereur romain prend les traits d’un idĂ©aliste déçu plutĂŽt que d’un tyran cruel.

Il faut les voir ces patriciens allongĂ©s lĂ , lascivement, Ă  demi-nus ou en maillot de bain, dans l’attente du retour de Caligula. Pendant que le chat est parti, semble nous dire Jonathan Capdevielle non sans faire Ă©cho aux Romains de la dĂ©cadence de Thomas Couture, la noblesse se prĂ©lasse au soleil et se repose sur ses lauriers. De ce dĂ©cor de falaise abrupte et inhospitaliĂšre, caractĂ©ristique de certaines cĂŽtes mĂ©diterranĂ©ennes, se dĂ©gage une triple impression : de laideur, directement visible ; de dĂ©composition, induite par le bourdonnement des mouches qui couvre le bruit des vagues ; et de menace, figurĂ©e par ce couloir transversal d’oĂč jaillit du soufre qui, au fur et Ă  mesure qu’il macule les pierres et les Hommes, transforme l’environnement en volcan prĂȘt Ă  exploser autant qu’en antre du diable prĂȘt Ă  dĂ©ferler. C’est dans cette cette atmosphĂšre hostile, qui laisse Ă  penser que, bien avant les mĂ©faits Ă  venir, il y avait quelque chose de pourri dans les fondations de l’Empire, que Caligula, absent depuis trois jours en raison de la mort de sa soeur, et maĂźtresse, Drusilla, surgit, le bras en Ă©charpe, en homme blessĂ©.

BlessĂ©, le maĂźtre de Rome l’est physiquement, mais aussi intimement. Parti « empereur parfait : scrupuleux et sans expĂ©rience », il revient en despote, convaincu que si le monde est dĂ©cevant – « les hommes meurent et ne sont pas heureux », dit-il –, il faut, sans doute, l’annihiler tout Ă  fait, ou tenter d’obtenir la lune, par essence impossible Ă  atteindre. PrĂ©fĂ©rant dĂ©sormais la richesse Ă  la vie humaine, il prend la forme d’un tyran qui viole, tue, fait exĂ©cuter, et donne, scĂšne aprĂšs scĂšne, des leçons aux patriciens : sur l’absurditĂ© d’une existence qui peut s’arrĂȘter en un claquement de doigt, sur leur fausse dĂ©votion nourrie Ă  la peur plutĂŽt qu’Ă  l’envie, sur la libertĂ© absolue qui, poussĂ©e Ă  son expression la plus extrĂȘme par l’un des hommes les plus puissants du monde, ne mĂšne Ă  rien. Face Ă  lui, Caligula peut compter sur le soutien de ses fidĂšles, l’affranchi HĂ©licon, la vieille amante Caesonia et le poĂšte Scipion, avec lequel il entretient une relation ambigĂŒe, et doit composer avec une brochette de patriciens, emmenĂ©s par Cherea, qui, de leur cĂŽtĂ©, prĂ©parent un attentat pour mettre fin Ă  ses atrocitĂ©s.

Dans la droite ligne de Camus, qui se dĂ©marque en cela des Anciens, tel SuĂ©tone (Vie des douze CĂ©sars), Jonathan Capdevielle offre Ă  l’empereur fou le visage d’un idĂ©aliste déçu plutĂŽt que d’un monstre sanguinaire. InterprĂ©tĂ© par le metteur en scĂšne lui-mĂȘme, il devient un homme vĂ©nĂ©neux, charmeur et calculateur, mais frustrĂ© par son incapacitĂ© Ă  changer le monde et Ă  obtenir ce qu’il dĂ©sire. En quĂȘte d’absolu, l’empereur saccage tout sur son passage : les relations amoureuses et amicales, son exercice du pouvoir, et mĂȘme son rapport Ă  l’art, que Capdevielle met en exergue. Alors qu’il demande aux patriciens, en forme de mission impossible, de crĂ©er en une minute un poĂšme sur la mort, on l’entend, dans le mĂȘme temps, fredonner l’air du Pepas de Farruko ou intimer l’ordre aux mĂȘmes patriciens de s’adonner Ă  une reprise d’Africa de Toto Ă  la flĂ»te Ă  bec. Sous la houlette du metteur en scĂšne, et de sa fine lecture de la piĂšce de Camus – dont il a combinĂ© deux versions, celle primitive de 1941 et celle dĂ©finitive de 1958 –, Caligula s’enfonce alors dans une vulgaritĂ© et une laideur subies, plutĂŽt que choisies, et semble, quelque part, tendre un miroir Ă  certains dirigeants politiques d’aujourd’hui, chez qui la mĂ©diocritĂ© intellectuelle, le pouvoir toujours moins efficient et la fascination de l’argent font des ravages.

DopĂ© par la composition musicale d‘Arthur B. Gillette – dĂ©jĂ  auteur du formidable environnement sonore de RĂ©mi – et de Jenifer Eliz Hunt, assis sur l’Ă©tonnant travail scĂ©nographique de Nadia Lauro et sur les costumes Ă  l’esthĂ©tique queer de Colombe Lauriot PrĂ©vost, ce parti-pris prend une dimension scĂ©niquement organique et confĂšre Ă  l’empereur despotique une aura moins dĂ©testable qu’attendu. Tant, et si bien, que, face Ă  la mĂ©diocritĂ© de patriciens recroquevillĂ©s sur eux-mĂȘmes, Caligula s’avĂšre pathĂ©tiquement touchant et otage, tout en restant comptable de ses crimes, des causes du mal qui Ă©treint une sociĂ©tĂ© toute entiĂšre. Audacieuse, cette vision n’en restait pas moins dans sa rĂ©alisation, au soir de la premiĂšre, empreinte de certaines fragilitĂ©s – logiques au regard de la complexitĂ© du processus de crĂ©ation de ce spectacle, heurtĂ© notamment, mais pas seulement, par un double changement tardif dans la distribution. Si, dans le rĂŽle de Caligula, Jonathan Capdevielle doit encore doser son engagement pour ne pas risquer le trop-plein, si les autres comĂ©diennes et comĂ©diens, exception faite de Dimitri DorĂ© touchant en incorruptible Scipion, doivent encore trouver leur voie pour donner de l’ampleur aux personnages qu’ils incarnent, tous les ingrĂ©dients, Ă  commencer par la maĂźtrise du texte, sont en place pour que, comme l’Ă©crit Camus dans ses Carnets, tout un chacun se rende compte qu’il abrite bel et bien un Caligula en lui.

Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr

Caligula
Texte Albert Camus
Conception et mise en scĂšne Jonathan Capdevielle
Avec Adrien Barazzone, Jonathan Capdevielle, Dimitri Doré, Jonathan Drillet, MichÚle Gurtner, Anne Steffens, Jean-Philippe Valour
Assistanat Ă  la mise en scĂšne ChristĂšle Ortu
Musiciens live et musique originale Arthur B. Gillette, Jennifer Eliz Hutt
Son Vanessa Court
LumiĂšre Bruno Faucher
Costumes Colombe Lauriot Prévost
Atelier costumes Caroline Trossevin
Scénographie Nadia Lauro
Chorégraphie Guillaume Marie
Régie générale JérÎme Masson

Production déléguée Association Poppydog
Coproduction T2G Théùtre de Gennevilliers, Centre dramatique national ; Festival d’Automne Ă  Paris ; Théùtre des 13 vents, Centre dramatique national de Montpellier ; Le Quartz, ScĂšne nationale de Brest ; Chateauvallon LibertĂ©, ScĂšne nationale de Toulon ; Le Parvis, ScĂšne nationale de Tarbes ; ComĂ©die de BĂ©thune, Centre dramatique national ; L’Onde Théùtre – CinĂ©ma, VĂ©lizy-Villacoublay ; Centre Dramatique National Besançon Franche-ComtĂ© ; Maillon, Théùtre de Strasbourg – ScĂšne europĂ©enne

Jonathan Capdevielle est artiste associĂ© au T2G Théùtre de Gennevilliers, Centre dramatique national. L’association Poppydog est soutenue et accompagnĂ©e par la Direction rĂ©gionale des affaires culturelles d’Ile-de-France – ministĂšre de la Culture, au titre du conventionnement.

Durée : 2h20

T2G Théùtre de Gennevilliers, dans le cadre du Festival d’Automne Ă  Paris
du 28 septembre au 9 octobre 2023

Théùtre des 13 vents, CDN de Montpellier
du 17 au 19 octobre

Les Quinconces-L’Espal, ScĂšne nationale du Mans
les 7 et 8 novembre

Le Maillon, ScÚne européenne, Strasbourg
les 7 et 8 décembre

CDN de Besançon Franche-Comté
les 13 et 14 décembre

L’Onde Théùtre – Centre d’Art, VĂ©lizy-Villacoublay, dans le cadre du Festival d’Automne Ă  Paris
le 19 décembre

Théùtre du Nord, CDN Lille Tourcoing Hauts-de-France
du 14 au 16 mai 2024

Comédie de Béthune, CDN
les 23 et 24 mai

L’Arsenic, Centre d’art scĂ©nique contemporain, Lausanne
du 6 au 8 juin

30 septembre 2023/par Vincent Bouquet
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