Brontis Jodorowsky met en scène Rigoletto à Besançon

photo Yves Petit

L’intérêt de Verdi pour la tragédie de Victor Hugo Le roi s’amuse remonte à 1844. Mais le seul nom de l’auteur bisontin demeure explosif. Verdi et Piave, son fidèle librettiste, doivent ferrailler avec la censure pour parvenir à créer l’ouvrage, à Venise en 1851, sans que soit dénaturé l’esprit du drame hugolien. Dans la carrière de Verdi, Rigoletto compose avec Le Trouvère et La Traviata la « trilogie de la maturité » : trois ouvrages extrêmement populaires qui témoignent autant d’audace formelle que de maîtrise des équilibres classiques.  Jean-François Verdier dirige pour la première fois de l’opéra à Besançon et a souhaité pour l’occasion inviter une véritable gloire du chant français : le baryton Ludovic Tézier. Habitué des plus grandes scènes du monde, il fera chez nous ses débuts dans ce rôle mythique aux côtés de la gracile Gilda de Cassandre Berthon. Verdi s’émancipe de toute forme contrainte et assoit son opéra sur une suite de duos dont trois pour ce couple pèrefille en tous points bouleversants. Fort du très beau travail accompli en 2009 pour les représentations de Pelléas et Mélisande, Brontis Jodorowsky se voit confier la mise en scène de ce drame « horrifiant et écoeurant », qui selon un critique de l’époque, « chassera de la salle un public dégoûté ». Rencontre avec le metteur en scène.

Rigoletto est un des grands opéras de Verdi. Comment l’avez-vous abordé ?  

Verdi est un génie. Et Rigoletto est au début de son génie, son écriture commence à changer. On s’y attaque avec modestie et avec attention. On l’écoute jusqu’à plus soif, cela presque un an et demi que je prépare le projet, et j’écoute l’opéra une à deux fois par jour, jusqu’au point où cela m’empêche de dormir, cela me réveille la nuit. L’opéra me pénètre par les pores de la peau, je le respire, je le chante toute la journée. Ensuite il faut s’informer sur les auteurs, dans quelles circonstances le livret a été écrit, ce que cela a provoqué, et il faut comprendre ce que l’œuvre recèle au delà de sa forme absolument spectaculaire, sensible et touchante. Et là on se rend compte que ce n’est pas une œuvre qui ne s’intéresse pas uniquement à l’intellect, mais au cœur du spectateur. C’est émotionnel avec des situations très fortes, et très noires, très contrastées, très violentes. Même l’amour est violent. L’amour du père pour sa fille est un point extrême qu’il faut peur. Il dit à sa fille, « tu es tout pour moi, ma patrie, mon univers ». Personnellement ça me ferait peur si mon père mon disait cela. Et évidemment il y a tout le contexte politique, l’abus sur les femmes, le pouvoir la circulation de l’argent. Et on essaye de comprendre en quoi elle résonne aujourd’hui. Il ne s’agit de monter une pièce de musée.  

L’opéra de Verdi est un livret dont l’histoire est celle du Roi … de Victor Hugo, et vous créez le spectacle à Besançon, la ville natale de Victor Hugo…  

Oui c’est un hasard merveilleux, un petit miracle. L’œuvre de Victor Hugo a beaucoup souffert en son temps. Elle a été censurée immédiatement parce que la classe politique y a vu un manque de respect au roi. Hugo décrit la corruption de la Cour et les politiciens de l’époque comme ceux d’aujourd’hui pourraient se sentir visés Le spectacle commence par une grande fête à la Cour et on se rend compte qu’elle n’est qu’apparence et tous les gens cherchent à comment s’entre tuer, gagner du pouvoir, se trahir.  

Vous aimez travailler sur des choses épurées, comment avez-vous procéder pour cette mise en scène ?  

Moi je me dis : « pour savoir qui tu es, commence par savoir ce que tu n’es pas. » On commence par avoir plein d’idées, plein de clichés sur l’œuvre et petit à petit on laisse tomber comme des fruits murs ce que l’œuvre n’est pas et on va à l’os tout simplement. Après on est aidé par les contraintes de temps et de budget, et c’est important de transformer toutes ces contraintes en avantages. Toutes difficultés engendrent une part de réussite du spectacle. C’est essayer de se débarrasser de tout ce qui n’est pas nécessaire.  

Le spectacle est créé à Besançon au Théâtre Musical défend l’Opéra en Région…avec de petits moyens….  

Oui Loic Boissier qui dirige le Théâtre Musical a une très belle ambition, celle de proposer dans son théâtre tout un éventail de spectacles autour de la musique, mais pas seulement de l’Opéra et quand il offre du lyrique, il propose de beaux spectacles. C’est une question de volonté, d’ambition politique dans le sens noble du terme.  

RIGOLETTO  

Opéra en 3 actes de Giuseppe Verdi  

Rigoletto l Ludovic Tézier  

Gilda, sa fille l Cassandre Berthon  

Le Duc de Mantoue l Florian Laconi  

Sparafucile l Frédéric Caton  

Maddalena l Anaïk Morel  

Choeur Contre Z’Ut  

Orchestre de Besançon-Montbéliard Franche-Comté  

Jean-François Verdier l direction  

Brontis Jodorowsky  l mise en scène  

Coproduction  

LE THEATRE MUSICAL DE BESANCON l ORCHESTRE DE BESANÇON-MONTBELIARD FRANCHE-COMTE  

Théâtre Musical de Besançon  

Dimanche 3 avril à 16h & mardi 5 avril à 20h