Sweeney Todd, célèbre comédie musicale de Stephen Sondheim créée à New-York en 1979, arrive enfin en France, au Châtelet, dans la mise en scène de Lee Blakeley, qui avait déjà monté A Little Night Music du même Sondheim en 2010. Le public français peut enfin apprécier l’histoire de ce barbier démoniaque rendu célèbre par l’adaptation cinématographique de Tim Burton. Et dans son intégralité, car dans le film, avec Johnny Deep, ne figurait pas le thème principal de la pièce, The Ballad of Sweeney Todd. « Cette Ballade a manqué à beaucoup de ceux qui connaissent le musical, explique Stephen Sondheim, mais Tim Burton ne pouvait se permettre d’avoir une foule de figurants, un chœur qui se serait adressé au public. Il a longtemps essayé d’inclure cet air, mais cela ne fonctionnait pas et il a donc pris cette décision difficile de l’exclure, très tard dans le processus de réalisation. » Une ballade qui donne littéralement la chaire de poule quand l’intégralité de la troupe s’avance au devant du public pour l’interpréter.
Sweeney Todd, de son vrai nom Benjamin Barker, a été déporté dans un bagne australien par le juge Turpin qui lui a pris sa femme et sa fille. Quelques années plus tard, Barker revient pour se venger. Il réintègre son échoppe de barbier de Fleet Street et exécute les passants, les inconnus qui finissent en bouilli dans les tourtes à la viande de Mrs Lovett. C’est un conte sanglant. Tout cela est immoral mais terriblement délicieux grâce à la trame fantastique et aux dialogues croquignolesques de Stephen Sondheim et Hugh Wheeler (le librettiste). Sauf que la mise en scène de Lee Blakeley ne joue pas suffisamment avec cet aspect de l’œuvre. Il a certes reconstitué les entrepôts de Londres, bien crasseux, mais tout le côté gore de la pièce est gommé. On ne sent pas suffisamment le sang couler. On ne sent pas suffisamment la chair des corps se consumer. Benjamin Lazar avait réussi cela dans l’Opéra Cachafaz de Copi (une histoire autour du cannibalisme) à Rennes et à l’Opéra Comique. On sentait une odeur âcre envahir la salle, jusqu’à l’écœurement. Tout est trop sage et sans surprise dans cette mise en scène.
Alors il reste à fermer les yeux et écouter les voix magnifiques et les airs de cette comédie musicale, qui par moment possède des accents d’opéra. Caroline O’Connor qui n’a rejoint la production qu’au dernier moment se taille un immense succès. Elle possède la gouaille nécessaire pour incarner cette Mrs Lovett, qui n’a aucun scrupule à farcir ses tourtes avec de la chair humaine. Sa voix rocailleuse et puissante est une pure merveille. Le canadien Pascal Charbonneau (Tobias), déjà présent cet hiver dans My Fair Lady, est déjà le chouchou du public, tout comme Nicholas Garett qui incarne le jeune marin Anthony Hope, amoureux de Johanna la fille de Sweeney Todd. Enfin le baryton américain Rod Gilfry, qui fût l’inoubliable Billy Budd à l’Opéra National de Paris en 1996, porte le tout avec sang froid et une totale maitrise. On croirait qu’il a été barbier tueur toute sa vie !
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
SWEENEY TODD
LE DIABOLIQUE BARBIER DE FLEET STREET
Musical Thriller en 2 actes
Musique et lyrics
Stephen Sondheim
Livret
Hugh Wheeler
Mis en scène originellement à Broadway par Harold Prince
Orchestrations
Jonathan Tunick
Basé sur la pièce éponyme de Christopher Bond. Créé le 1er mars 1979 à l’Uris Theatre de New York
Version originale anglaise surtitrée
Direction musicale
David Charles Abell
Mise en scène
Lee Blakeley
Chorégraphie
Lorena Randi
Décors et costumes
Tanya McCallin
Lumières
Rick Fisher
Sweeney Todd
Rod Gilfry / Franco Pomponi
Mrs. Lovett
Caroline O’Connor
Johanna
Rebecca Bottone
Anthony Hope
Nicholas Garrett
Le juge Turpin
Jonathan Best
Le Bailli Bamford
John Graham-Hall
La mendiante
Rebecca de Pont Davies
Pirelli
David Curry
Tobias Ragg (Toby)
Pascal Charbonneau
Ensemble orchestral de Paris (jusqu’au 7 mai) puis Orchestre Pasdeloup
Chœur du Châtelet
Chef de chœur
Stephen Betteridge
Nouvelle production du Théâtre du Châtelet
Produit originellement à Broadway par Richard Barr, Charles Woodward, Robert Fryer, Mary Lea Johnson, Martin Richards en association avec Dean et Judy Manos.
En accord avec Drama – Paris pour le compte de Music Theatre International (MTI) – New York.
Durée 3 h avec entracte
Du 22 avril au 21 mai 2011
20 h
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