Après Calacas, Bartabas revient à un spectacle plus intime. Son Golgota est un dialogue avec le danseur de flamenco Andrès Marin. Il puise dans les codes de la religion et nous plonge dans l’Espagne du 17ème siècle. Rencontre avec Bartabas, dans sa caravane, sur les bords des Champs-Élysées !
Vous alternez les spectacles intimistes et les spectacles avec Zingaro. Avec Golgota, on est dans l’intime
Je reviens de deux mois au Mexique avec toute la compagnie et Calacas et je me retrouve sur les Champs-Élysées avec ma caravane et mes chevaux derrière le théâtre du Rond-Point ! C’est dépaysant !
Comment le vivent vos chevaux ?
Bien, ici tout le monde est beau et bien habillé. C’est différent du 93 !
Donc Golgota est un dialogue entre vous et vos chevaux et Andrès Marin, un danseur de flamenco.
Ce sont des aventures que je m’octroie à côté du travail avec Zingaro. Ce sont des prises de risque différentes. Il est important de faire des rencontres avec des gens que j’estime beaucoup et qui sont à part dans leur milieu et ne font plus commerce de leur art. Ils incarnent eux-mêmes leur discipline. J’attendais depuis longtemps ce rendez-vous avec cette génération de danseurs qui a épuré les clichés du flamenco. Je m’étais toujours interdit d’y toucher. Je trouvais que cela faisait trop image d’Épinal, le cavalier avec la danseuse à frou-frou. Il a fallu attendre cette rencontre pour approfondir cette relation au rituel religieux qui est très développée en Espagne.
Et vous nous propulsez dans l’Espagne du 17ème siècle
C’est vrai, il y a beaucoup de références, notamment à la peinture, cela va de Zurbarán au Greco mais aussi jusqu’à Basquiat. Et il y a toujours ce rapport à la religion comme un rituel. Cela est renforcé par la présence de chants grégoriens de Luis de Victoria avec une voix et un luth. C’est une musique qui crée des silences d’une haute qualité. Ce qui m’intéresse c’est le silence qui suit la musique et qu’il faut danser. J’ai aussi demandé à Andrès d’enlever à un moment ses chaussures et de danser pieds nus sur le sable. Ce qui est un comble pour un danseur de flamenco, c’est comme si on lui enlevait 50% de ses moyens. Et c’est magnifique car on voit le rythme sans l’entendre. C’était une des prouesses du spectacle. Souvent on parle du flamenco à travers le duende mais je préfère l’idée du compas, c’est le rythme, la cadence. Et cela nous a beaucoup rapproché car le travail avec les chevaux est basé sur l’impulsion et le rythme.
Vous travaillez beaucoup les images de vos spectacles. Ici dans Golgota, la présence du contre-ténor Christophe Baska apporte beaucoup d’émotion.
C’est un chanteur exceptionnel. C’est une musique difficile à interpréter. Il faut une juste dose de sentiment et rester tendu, un peu comme un musique soufi. Cela amène une dimension qui développe la qualité d’écoute et l’émotion. Ce qui est le but d’une musique sacrée. Il a aussi fallu mettre les chevaux dans cette ambiance. Cela a été un travail sur le souffle et la décontraction car ils se déplacent sur un espace très petit. Et pour se mouvoir avec grâce et légèreté, il a presque fallu enlever l’animalité des chevaux. Andrès n’est pas face à cheval, il est face à un centaure, qui n’est presque plus un cheval et pas tout à fait un homme.
Le spectacle puise dans les codes de la religion et du sacré. Pourquoi ?
Ma première émotion théâtrale, je l’ai ressentie enfant dans une église. Je ne comprenais pas trop ce qui se passait. Mais je voyais bien que tout cela était destiné à t’élever et à t’amener à un état de perception, ce qui est pour moi le propre du théâtre. Je suis athée mais je respecte les religions car c’est une création de l’homme pour l’homme. Là on peut imaginer que c’est aussi un jeu avec deux gamins qui jouent avec tous les accessoires dans une église: les encensoirs, les clochettes…
Propos recueillis par Stéphane CAPRON
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