Sur la scène de l’Opéra de Lyon s’exalte avec passion la verve débordante du Coq d’or dont la fable empruntée à Pouchkine est mise en musique par Rimski-Korsakov. Barrie Kosky revisite ce conte satirique en faisant se mêler diverses inspirations qui lui sont chères entre romantisme noir et music-hall clinquant. L’œuvre défendue avec panache par une distribution épatante est à retrouver cet été au festival d’Aix après les représentations lyonnaises.
C’est dans une campagne morne et désolée que se joue l’apologue musical du Coq d’or. Pentue, touffue, la lande magnifiquement étale et mortifère trouve en son milieu un étroit sentier caillouteux que jouxte un fragile arbre bekettien, planté sur un monticule, d’une nudité fantomatique, sur lequel le héros éponyme se dresse avec hiératisme comme une pythie peinturlurée. Cette nature singulièrement lugubre mais néanmoins somptueuse se présente comme le décor unique de la pièce peuplé de créatures étranges à l’image d’une cavalerie alerte à têtes de cheval et en bas résille façon cabaret remplaçant la horde soldatesque du livret. Si la mort et la menace y rôdent continuellement, elle offre à contempler une beauté étrange dans laquelle on reconnaît l’esprit du romantisme noir et sa fantasmagorie cauchemardesque avant de se colorer de tonalités festives et sensuelles plus délurées.
Silhouette bedonnante, vêtements crasseux, maniant ridiculement l’épée, déboule le roi Dodon. Plein d’humour et d’esprit, Barrie Kosky vilipende les intentions belliqueuses d’un souverain de pacotille aux traits bouffons, le rendant répugnant mais aussi malicieusement touchant. Il peut pour cela compter sur le génial Dmitry Ulyanov qui livre une prestation relevant de l’excellence notamment dans la truculence comique. Il se présente comme un parfait pendant à la reine de Chemakha, figure chimérique d’idéal voluptueux présentée comme une danseuse du Lido tout en plumes, en franges, en paillettes. Dans le rôle, Nina Minasyan n’est qu’entière séduction. Tout en douceur et en couleurs capiteuses, elle envoute l’auditeur de ses agiles et gracieuses vocalises orientalisantes.
Le directeur de la Komische Oper de Berlin possède indéniablement une qualité de directeur d’acteurs qui favorise un engagement et une liberté totale des interprètes au plateau et qui se montre aussi éloquente qu’efficace dans l’orchestration des mouvements de masse comme dans le dessin des caractères individuels. A cela s’ajoute une franche inventivité qui confère au dernier opéra politique et polémique de Rimski-Korsakov, satire percutante du pouvoir tsariste, les tonalités bigarrées de la farce divertissante, de l’élégie amoureuse et du drame féroce.
L’orchestre et les chœurs de l’Opéra de Lyon placés sous la direction ardente et raffinée de son chef Daniele Rustioni se montrent particulièrement généreux en beauté et en théâtralité. Aux accents cinglants d’une partition moqueuse se répondent des mélodies d’une suavité ensorcelante. Le travail de fosse porte les voix formidablement expressives d’une distribution pleine d’aplomb. Le spectacle s’offre comme une merveille d’humour satirique, de fantaisie débridée qui conjurent la gravité insolente du propos.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Opéra en trois actes, 1909
Livret de Vladimir I. Bielski, d’après le conte d’Alexandre PouchkineDirection musicale
Daniele RustioniMise en scène
Barrie KoskyDécors
Rufus DidwiszusCostumes
Victoria BehrLumières
Franck EvinChorégraphie
Otto PichlerDramaturgie
Olaf A. SchmittLe tsar Dodon
Dmitry UlyanovL’astrologue
Andrey PopovPolkan
Mischa SchelomianskiLa reine de Chemakha
Nina MinasyanAmelfa
Margarita NekrasovaLe tsarévitch Aphron
Andrey ZhilikhovskyLa voix du Coq d’or
Maria NazarovaTsar Guidon
Vasily EfimovLe Coq d’or
Wilfried GononOrchestre et chœurs de l’Opéra de Lyon
Nouvelle production
En coproduction avec le Festival d’Aix-en-Provence et le Komische Oper de BerlinOpéra de Lyon
du 31 mai au 4 juin 2021Festival d’Aix en Provence 2021
THÉÂTRE DE L’ARCHEVÊCHÉ
22 24 25 JUILLET 2021
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