Avec B.Traven, dernier volet de sa Trilogie fantôme, Frédéric Sonntag part sur les traces du mystérieux auteur du Trésor de la Sierra Madre. Une enquête foisonnante à travers l’Histoire, entre réalité et fiction.
Pour vivre libres, les personnages de Frédéric Sonntag vivent cachés. Dans Georges Kaplan (2013), le nom du personnage fantôme de La Mort aux trousses d’Alfred Hitchcock sert de pseudonyme à une groupe d’activistes clandestins. Écrivain, le héros de Benjamin Walter (2015) disparaît un jour sans laisser de traces et entame une vie nomade. Pour avoir réellement existé, le protagoniste éponyme de B.Traven n’en est pas moins sans frontières. De sa naissance en Allemagne en 1882 à sa mort au Mexique en 1969, cet écrivain assez méconnu dans les pays francophones, bien qu’auteur du Trésor de la Sierra Madre adapté par John Huston en 1948 et d’une trentaine de livres publiés sous divers pseudonymes, s’est en effet dissimulé derrière de nombreuses fausses identités. Un passionnant cas d’étude pour le fondateur de la compagnie AsaNIsiMAsa, qui aime à explorer les marges de l’histoire de l’art. À interroger ce qu’elles disent de l’époque. De l’état de ses utopies.
Pour aborder son écrivain fantôme, Frédéric Sonntag recourt à l’enquête. Comme dans Benjamin Walter, la recherche de l’écrivain sert de fil narratif principal à un récit fragmentaire qui mêle réalité et fiction dans une tentative de réappropriation de l’Histoire. En 1977, la jeune journaliste Glenda se rend au Mexique avec un certain Lester afin de chercher « qui est l’individu qui se cache derrière ce pseudonyme dont même le prénom reste un mystère ». Comme les nombreux passionnés qui se sont lancés dans l’aventure, le duo se perd dans les multiples fictions imaginées par l’auteur. Mis en difficulté par la complexité de B.Traven, ils abandonnent progressivement le storrytelling classique au profit d’un autre type de narration. Plus libre. Porté par un idéal poétique et humaniste hérité du libertaire B.Traven.
Ennemi du linéaire, Frédéric Sonntag fait cohabiter cette histoire centrale avec quatre autres. Celle du poète-boxeur Arthur Cravan en 1916, d’un scénariste américain forcé de fuir les États-Unis pour échapper au maccarthysme, d’un jeune Français qui s’installe dans un squat en 1994 avant d’aller rejoindre les guérilleros du sous-commandant Marcos au Mexique. Celle, enfin, d’un réalisateur travaillant sur l’histoire d’un squat d’artistes à Paris. D’un tableau à l’autre, les dix excellents comédiens de la pièce naviguent donc entre les époques et les continents. Leur maîtrise est vertigineuse. Sans doute un peu trop. Grâce à une ingénieuse mise en scène, ils évoluent dans le labyrinthe de Frédéric Sonntag au pas de course. Et ce pendant 2h30.
Pas de temps pour la méditation, dans B.Traven. Assez peu pour la pensée. Si la question de la liberté de l’individu – de l’artiste, en particulier – face aux institutions réunit les différentes histoires qui composent le spectacle, la grande rapidité du tuilage finit par créer une sensation de zapping. Certes extrêmement intelligent, mais peu adapté à la critique de la société de consommation qui traverse l’œuvre de Frédéric Sonntag. Les deux parties les plus contemporaines de la pièce, celles qui traitent du mouvement squat, pâtissent aussi de quelques scènes trop didactiques qui alourdissent l’ensemble. Et ont tendance à affaiblir la réflexion la plus passionnante de la pièce : celle qui concerne la circulation des mythes et des utopies dans l’espace et de temps.
Anaïs Heluin – www.sceneweb.fr
B. Traven
Texte et mise en scène Frédéric Sonntag
Avec Simon Bellouard, Julien Breda, Romain Darrieu, Amandine Dewasmes, Florent Guyot, Sabine Moindrot, Malou Rivoallan, Fleur Sulmont, Paul Levis, Gonzague Octaville
Création et régie vidéo Thomas Rathier
Création musicale Paul Levis
Création et régie lumière Manuel Desfeux
Scénographie Marc Lainé
Costumes Hanna Sjödin
Régie générale et son Bertrand Faure
Régie plateau Romuald Deprez
Assistanat à la mise en scène Leslie Menahem
Administration, production, diffusion Emilie Henin (Bureau Formart)
Assistanat de production Valentina Viel (Bureau Formart)Production Cie AsaNIsiMAsa (2018)
Coproduction et résidence La SN61 – Scène nationale Alençon / Flers / Mortagne-au-Perche, Le grand R Scène nationale La Roche-sur-Yon, Le Nouveau Théâtre de Montreuil – CDN, l’Apostrophe – Scène nationale Cergy-Pontoise & Val d’Oise
Soutien en résidence La Ferme du Buisson – Scène nationale de Marne-la-Vallée, Théâtre Ouvert – centre national des dramaturgies contemporaines, avec le soutien du POC – Salle de spectaclesAction financée par la Région Ile-de-France. Avec le soutien de la SPEDIDAM, la participation artistique du Jeune théâtre national, le soutien du FIJAD, Fonds d’Insertion pour Jeunes Artistes Dramatiques, DRAC et Région Provence-Alpes-Côte d’Azur et le soutien du Fonds d’insertion de L’éstba financé par la Région Nouvelle-Aquitaine
La compagnie AsaNIsiMAsa est associée au Grand R – Scène nationale La Roche-sur-Yon, au Nouveau Théâtre de Montreuil – CDN, à l’Apostrophe – Scène nationale Cergy-Pontoise & Val d’Oise et fait partie du collectif d’artistes «Les Intrépides» de la SN61 – Scène nationale Alençon / Flers / Mortagne-au-Perche. Elle est conventionnée par la DRAC Île-de-France.
Durée: 2h30
du 12 au 13 mars 2018 › Scène nationale 61 Alençon / Flers / Mortagne-au-Perche (Alençon)
du 20 mars au 14 avril 2018 › Nouveau Théâtre de Montreuil – CDN (Montreuil)
du 19 au 20 avril 2018 › le Grand R – Scène nationale de la Roche-sur-Yon (La Roche-sur-Yon)
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