
PhotoThierry Laporte
La directrice du Théâtre de l’Union, le CDN de Limoges, Aurélie Van Den Daele, propose une création ambitieuse incarnée par de jeunes comédiens attachants ; une réussite malgré les faiblesses du texte de Sidney Ali Mehelleb.
Limoges, nous avons déjà eu l’occasion de l’écrire, est devenue une destination festive. Même en hiver, même sous la pluie. Aurélie Van Den Daele, qui dirige le théâtre de l’Union, a fait du Centre Dramatique National du Limousin un lieu vivant et bigarré, à l’image de ses créations. En témoignent ces néons de couleurs et ces boules à facettes qui égaient le hall d’entrée, ce public jeune et enthousiaste venu découvrir son dernier spectacle 1 200 Tours ce vendredi 8 mars, en plein après-midi. Le sous-titre de la pièce, d’ailleurs, est au diapason de l’atmosphère qui règne entre ses murs. Puisqu’il s’agirait, selon l’auteur Sidney Ali Mehelleb, d’une « comédie naïve, militante pleine d’espoir ».
Un sous-titre un brin trompeur… Car, tout de même, il sera ici question d’une rappeuse que l’on accuse d’avoir envoyé son public prendre l’assaut de l’Élysée un soir du quatorze juillet ; là voilà emprisonnée, voire embastillée… De la rédaction d’un magazine qui vole en éclat à cause des renoncements de son rédacteur en chef et des changements d’actionnaires. D’une députée obsédée par son travail qui va passer à côté du mal-être de son compagnon, un présentateur de JT. D’une kiosquière qui va perdre son métier, et peut-être même la boule… Ça commence mal, et ça ne se termine pas forcément mieux. Mais chacun, ici, à la rage d’en découdre.
Après Glovie, après Comme si, on retrouve l’intensité propre au théâtre d’Aurélie Van Den Daele ; une intensité portée par la jeunesse, par ses utopies, par son sens de la fête ; une intensité réjouissante, à l’image de cette jeune femme politique qui courra sur un tapis pendant les trois heures du spectacle (ou presque), imposant sa force et sa cadence. Ou de cette artiste de hip-hop capable de réveiller les morts avec son flow, sa conviction et sa rage. Cette jeunesse, effectivement, donne espoir. Sur ce plateau limougeaud, chacun sait d’où il parle. Ou plutôt, d’où il crie.
Cette énergie est déployée par une mise en scène qui alterne entre la vidéo filmée en direct (pour les séquences de prison ; un grand écran au-dessus du plateau), les moments sur la vie de la rédaction d’un hebdo (comme un plan fixe, en fond de scène) et l’intimité d’un couple qui joue juste devant le public. Le dispositif fonctionne à merveille ; une question de rythme, de montage, de musique, d’effets de lumière et de scénographie. La metteuse en scène et son équipe parviennent à donner l’impression des années qui passent, et réussissent à faire transparaître l’ambition romanesque du texte…Qui pèche, hélas, par ses longueurs, ses imprécisions et son manque de vraisemblance ; le bémol, le grand bémol.
En effet, les journalistes qui pilotent leur newsmagazine – type Le Point, L’Express ou Le Nouvel Obs… – ressemblent à une bande de copains digne d’Hélène et les garçons qui écriait le journal du Lycée ; cette histoire-là manque cruellement de documentation (sur la hiérarchie, le circuit de la copie, la réalité économique…). Certains personnages existent trop peu, à l’instar du présentateur de JT, que l’on aurait aimé voir croqué avec davantage de finesse, davantage de particularités. Les idées politiques, ô combien louables dans leur critique du gouvernement actuel, ô combien réjouissantes quand elles sont ainsi portées par cette jeune génération, manquent parfois de clarté. L’intrigue se résout bizarrement (pourquoi chercher à innocenter le présentateur si sa compagne peut témoigner ?). L’ambition générale, qui consiste à raconter l’intrication du politique, du sociologique et de l’intime, lorgne vers la série Sur Écoute ; cette écriture a encore du chemin à faire…
Pourtant, malgré ses réserves, on sort de ce spectacle habité par des belles images de théâtre, de belles voix, de bons (et nombreux) comédiens. Ce théâtre-là est bien galvanisant. Ce théâtre-là est bien une fête. Il ne s’agirait pas de bouder son plaisir.
Igor Hansen-Løve – www.sceneweb.fr
1200 tours
texte Sidney Ali Mehelleb
mise en scène Aurélie Van Den Daele
avec Adélaïde Bigot, Grégory Corre, Maly Diallo, Imane Djellalil, Hiba El Aflahi, Grégory Fernandes, Coline Kuentz, Julie Le Lagadec, Benicia Makengele, Sidney Ali Mehelleb, Adil Mekki, Fatima Soualhia ManetCollaboration artistique Mara Bijeljac
Lumières et vidéo Invivo Julien Dubuc, assisté de Lucas Collet
Création sonore et musicale Invivo Grégoire Durrande
Costumes Élisabeth Cerqueira, assistée de Maialen Arestegui
Régie générale Arthur Petit
Régie son Quentin Dumay
Accompagnement sportif Nicolas Montanari
Composition et direction rap : Poundo
Construction décors : Les ateliers du Théâtre de l’Union, chef constructeur Alain Pinochet accompagné par Ronan Célestine et Dorine Ollivier
Réalisation costumes : Les ateliers du Théâtre de l’Union, chef d’atelier Simon Roland
Production Théâtre de l’Union – CDN du Limousin.
Coproduction Théâtre Gérard Philipe, centre dramatique national de Saint-Denis ; Le Méta – CDN, Poitiers ; Comédie de Colmar – CDN Grand Est Alsace ; L’Empreinte – scène nationale Brive-Tulle ; Le Préau – CDN Vire-Normandie ; ZEF; scène nationale de Marseille.
Avec le soutien de l’OARA, Bordeaux, du Théâtre des Quartiers d’Ivry – CDN du Val-de-Marne ; du Fonds d’insertion de l’École Supérieure de Théâtre de l’Union, financé par la DRAC Nouvelle-Aquitaine ; du dispositif d’insertion professionnelle de l’ENSATT.
Avec la participation artistique du Jeune Théâtre National.
Avec la participation du GEIQ.
Avec le soutien en résidence du ZEF, scène nationale de Marseille.
Le spectacle a reçu le soutien du CDN de Normandie Rouen à l’occasion d’une résidence artistique dans le cadre d’itinéraires d’artiste(s) 2023-2024.)Durée : 3 h 05
création du 4 au 9 mars 2024
au Théâtre de l’Union CDN du Limousindu 20 au 29 mars 2024
au TGP – CDN de Saint-DenisTournée 2024-2025 (en cours)
Octobre, novembre 2024
Le Méta, Centre Dramatique National de Poitiers
Théâtre d’Angolême, Scène nationale
L’Empreinte, scène nationale Brive-Tulle
L’Onde, Théâtre Centre d’Art, Velizy Villacoublay
Comédie de Colmar, Centre Dramatique National d’Alsace
Le Préau, Centre Dramatique National de Normandie, Vire
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