Photo Michael Slobodian
Crystal Pite et Jonathan Young s’associent pour une nouvelle pièce de danse-théâtre, Assembly Hall où un groupe se réunit dans une salle communale autour d’un projet de reconstitution médiéval. Cette métaphore du rituel du théâtre, aux airs de grande composition picturale, évoque comment les crises en cours et à venir affectent les esthétiques.
En France, Crystal Pite a été remarquée pour son Seasons’ Canon créé en 2017 pour l’Opéra de Paris, ensemble pictural qui figuraient des paysages d’une Nature majestueuse, à coup de chorégraphies cascades. Mais la chorégraphe est aussi une adepte de danse narrative, façon physical theater, entrelacement de la danse et du théâtre, aux gestes et mimiques hyper expressives. Souvent, elle sont co-crées avec le metteur en scène Jonathan Young, comme Betroffenheit (2015) et Revisor (2019) inspiré de la pièce de Gogol. Dans Assembly Hall, Pite et Young allient de nouveau leurs forces dans cette mise en scène pièce léchée, où les gestes illustrent les dialogues enregistrés. Dans un récit sombre et drôle, une métaphore du théâtre se déplie, qui renvoie aux crises en cours et à venir.
Devant un mur décrépit, où trônent un panier de basket-ball, un drapeau et un blason, huit interprètes sont assis sur des chaises en demi-cercle. On assiste à l’Assemblée Générale d’une association dans une salle communale : une association de reconstitution médiévale qui prépare chaque année une festivité notable nommée Quest Fest. Les conversations triviales, évoquant le fonctionnement de l’association, sont illustrées par des gestes ventriloques à la frontière du mime et mimiques hyper expressives. Ils sont entrecoupés par des ralentis aux accents tragiques, qui surgissent dans la temporalité normale… Un mauvais présage qui se dessine ? Le groupe se dévoile de plus en plus dysfonctionnel, en crise et au bord de l’explosion, à travers un enchaînement d’apartés, des conversations ou des pensées dites à voix haute. Une manière d’évoquer la difficulté de faire communauté malgré un désir pressant d’être ensemble ?
Puis, à travers le personnage de Dave (l’outsider du groupe), on pénètre dans la fantasmagorie médiévale du Quest Fest, qui a besoin d’un sauveur : le chevalier sans nom. Chevaliers en armures, demoiselle en détresse aux airs de dame blanche et forêt maudite se déploient dans des tableaux, qui par les costumes, la lumière et les gestes élancés, qui rappellent de grandes compositions picturales. Si la réunion d’un groupe autour d’une même passion et dans un même endroit évoque le rituel du théâtre, celle du retour en arrière à un temps passé questionne aussi dans les aspirations actuelles. Assembly Hall apparaît comme un miroir des crises, qui ouvrent la porte au conservatisme rassurant. Comme le fantasme médiéval qu’elle met en scène, Assembly Hall évoque-t-il un retour en arrière ?
Alors que les coupes budgétaires sont annoncées, les esthétiques les plus expérimentales et risquées sont en passe disparaître, au profit, probablement des plus efficaces, rassurantes et conservatrices ?
Belinda Mathieu – www.sceneweb.fr
Assembly Hall
de Crystal Pite et Jonathon Young
Texte Jonathon Young
Chorégraphie & direction Crystal Pite
Composition musicale & son Owen Belton, Alessandro Juliani, Meg Roe
Scénographie Jay Gower Taylor
Image & vidéo Cybèle Young
Lumière Tom Visser
Costumes Nancy Bryant
Assistant des créations Éric BeauchesneAvec Brandon Alley, Livona Ellis, Rakeem Hardy, Greg Lau, Doug Letheren, Rena Narumi, Ella Rothschild, Renee Sigouin
Production Kidd Pivot
Kidd Pivot reçoit le soutien du Conseil des Arts du Canada, du British Columbia Arts Council et de la ville de Vancouver. Kidd Pivot reçoit l’aide de la Fondation BNP Paribas pour le développement de ses projets.Durée 1h20
TDV-Sarah Bernhardt – Grande Salle
du 2 au 17 avril 2024
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