Le metteur en scène et actuel directeur du TNB Arthur Nauzyciel remonte, cinq ans après sa création, la pièce Splendid’s sur la plateforme de visioconférence Zoom et veut ainsi faire résonner le sens du texte de Genet avec l’oppressante actualité du confinement.
Seule proposition artistique rescapée du festival annuel du Théâtre national de Bretagne où les vingt-cinq spectacles programmés ont été annulés, Splendid’s se donne trois soirs de suite en direct sur le web et inaugure une forme expérimentale absolument novatrice et pertinente pour les temps actuels.
Par fidélité, amitié, et aussi sans doute pour conjurer l’état de sinistrose que vit en ce moment le monde culturel aux États-Unis et la déshérence des artistes se retrouvant depuis mars sans travail ni indemnité? Arthur Nauzyciel réunit à nouveau sa troupe de comédiens américains qui sont aussi des compagnons de longue route. Temps de pandémie oblige, c’est à distance que les interprètes interviennent depuis Rennes, Paris, New York, Boston, Los Angeles. Filmés par webcam, ils apparaissent à l’écran dans la mosaïque de petites fenêtres qui constituent le désormais célèbre support de communication en ligne.
Autant de virtualité n’empêche la représentation donnée en direct de revêtir une dimension éminemment sensuelle, charnelle, organique, et de mettre en valeur l’éloquence expressive des corps virils, musclés, tatoués, l’intensité d’un jeu frontal, incisif, très incarné bien que nécessairement déréalisé. L’usage de la vidéo comme le minutieux travail effectué sur l’image et le cadrage permet de restituer l’intimité feutrée et le caractère voyeur de la pièce de Genet. Se sonde dans une proximité étonnante des corps et des visages toute l’ambiguïté de personnages retranchés à huis clos, subversifs mais désabusés, confrontés au temps, à la surveillance, au doute, au danger, à la mort prochaine tandis que s’exacerbent leur besoin de rêverie, leur force comme leur extrême vulnérabilité.
Le dispositif insolite pour une mise en scène théâtrale souligne et réfléchit la dimension carcérale voire claustrophobique de la pièce. Chacune des cases qu’offre Zoom peut dans l’imaginaire s’apparenter à une cellule de prison et faire de près ou de loin écho à toute la solitude et la fébrilité générée par la crise sanitaire qui isole et ébranle la société. Dans ce cadre, la recréation de Splendid’s se présente comme une possible métaphore de l’enfermement physique et moral qui éprouve aussi bien les malfrats mis en scène par Genet que les individus (acteurs et spectateurs) dans l’actuel contexte covidien.
Comme lors de la création du spectacle dans sa version scénique, la pièce s’ouvre sur la projection d’un court métrage réalisé par Genet lui-même en 1950. Il met en scène deux détenus de prison communiquant, sans mot et à travers un trou percé dans la fine cloison qui les sépare l’un de l’autre, leur désir irrépressible et transgressif. C’est une sorte de condensé subjuguant de l’univers homo-erotico-morbide de Genet qui regorge de provocation et de sublimation. Plus tard, l’hyper-musicalité des voix inimitables de Jeanne Moreau en narratrice radiophonique ou de Vaughn Monroe et de Billie Holliday confère à la pièce une dimension déchirante et consolante qui fonctionne comme une réponse au perpétuel besoin de s’échapper.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Gratuit sur réservation sur T-N-B.fr en cliquant sur ce lien
À partir de 16 ans / En anglais surtitré en français
Les 17, 18 et 19 novembre à 21h depuis un ordinateur ou un smartphone
Un lien pour vous connecter le soir de la e-représentation vous sera transmis par l’équipe du TNB
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