Avec une troupe de comédiens américains (et la présence de Xavier Gallais), Arthur Nauzyciel porte à la scène une pièce rare de Jean Genet, Splendid’s, précédée par la projection d’un film tout aussi rare, Un chant d’amour. Les mots de Genet flottent dans cette production stylisée mais la narration aérienne nous a fatigué.
La main d’un détenu effleure les murs de sa cellule pour tenter de sentir de l’autre côté la respiration de son voisin. Jean Genet a filmé le désir sexuel des prisonniers dans Un chant d’amour, court métrage muet tourné en 1954. Ce film longtemps resté dans l’anonymat des projections privées retrouve ici une nouvelle vie et une diffusion sur grand écran grâce à Arthur Nauzyciel qui le diffuse en ouverture de Splendid’s. Riche idée. On avait découvert ce film en 2014 lors de la magnifique exposition La disparitions des lucioles dans la maison d’arrêt d’Avignon organisée par la Fondation Lambert. Des érections furtives, des fleurs en forme de phallus, de la fumée échangée à travers un trou dans un mur, une balade dans les champs rêvée par un détenu, un surveillant voyeur qui bande en observant les prisonniers à travers l’œilleton de la porte, ce film est un petit bijou érotique. Pendant les dernières images, les comédiens arrivent sur la scène, on devine leurs mollets.
Puis l’écran blanc se lève et l’on découvert les couloirs du 7ème étage du Splendid’s Hotel où sept gangsters retiennent en otage la fille d’un milliardaire. Le décor dans des tonalités de vert avance en pointe vers la salle. Il est délimité au sol par un tapis et les gangsters se parlent de chaque côté du couloir (mieux vaut être dans l’axe, la visibilité n’est pas aisée pour les spectateurs sur les côtés). « Nous avons déjà cessé de vivre » dit l’un des policiers. En anglais. Car Arthur Nauzyciel a fait traduire le texte par l’auteur et metteur en scène anglais Neil Bartlett. Les comédiens sont américains, le seul français de distribution est Xavier Gallais. Il joue le policier qui choisit de passer de l’autre côté de la frontière pour rejoindre les gangsters dans leur cause. Ce flic, c’est un peu Jean Genet. L’homme est fasciné par les bandits et leurs muscles ruisselants. Les comédiens jouent en slip ou en caleçon et arborent de magnifiques tatouages poétiques dessinés par José Lévy.
Les images sont belles. On entend la voix de Jeanne Moreau lire par moment les didascalies de la pièce. La mise en scène d’Arthur Nauzyciel est stylée et très chorégraphiée. Les mots sont posés, les gestes sont détachés et découpés. Ce poème est raconté au ralenti. Lentement, trop lentement à notre goût. Ce phrasé en suspension – pour ne pas endommager les mots fantasmés de Genet – nous a donné au bout du compte une désagréable sensation de lourdeur.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
Splendid’s de Jean Genet
Mise en scène de Arthur Nauzyciel
Spectacle en anglais surtitré
Avec
Jared Craig Pierrot
Xavier Gallais Le policier
Ismail Ibn Conner Blaze, La Rafale
Rudy Mungaray Johnny
Daniel Pettrow Bob
Timothy Sekk Riton
Neil Patrick Stewart Bravo
James Waterston ou Stephen Barker Turner Scott
Et la voix de Jeanne Moreau
Texte original: Jean Genet; traduction en anglais: Neil Bartlett; mise en scène: Arthur Nauzyciel; décor: Riccardo Hernandez; lumière: Scott Zielinski; collaboration artistique et travail chorégraphique: Damien Jalet; costumes et tatouages: José Lévy assisté de Fabien Ghernati; son: Xavier Jacquot; assistant décor: James Brandily; participation au casting: Judy Bowman, CSA (USA); régie générale: Jean-Marc Hennaut
Remerciements: Ricky Baker
Production
Centre Dramatique National Orléans/Loiret/Centre
Coproduction
Région Centre, Le Parvis, Scène nationale Tarbes-Pyrénées; Centre dramatique régional de Tours — Théâtre Olympia; MCB° Maison de la Culture de Bourges/Scène nationaleAvec le soutien de l’Institut Français et de la Ville d’Orléans.
Avec l’aide des Services culturels de l’Ambassade de France aux États-Unis, du Pioneer Works Center for Art and Innovation et du Abron Arts Center pour les répétitions à New York.
Le décor est construit par l’atelier de la MCB° Maison de la Culture de Bourges/Scène nationale.
Le texte est édité aux Éditions Gallimard, Collection L’Arbalète.Théâtre National de la Colline
du 17 au 26 Mars 2016
du mercredi au samedi à 20h30, le mardi à 19h30 et le dimanche à 15h30
Les représentations de Splendid’s sont précédées de la projection du film Un Chant d’amour (1950, 24 min) de Jean Genet, interdit en salle aux moins de 16 ans.
spectacle en anglais surtitré en français
Vidy Lausanne du 19 au 21 avril 2016
CDDB de Lorient – les 27 et 28 avril 2016
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