Dans Après la neige, Aurélie Namur s’intéresse à la vie d’après la catastrophe nucléaire. Un spectacle à la démarche sincère, mais dont le propos se révèle simpliste et sans relief.
La catastrophe est un sujet récurrent dans les industries culturelles. Il se dit dans ce goût du cinéma et des séries pour les mondes post-apocalyptiques, les récits dystopiques, comme les fables d’anticipation, nos inquiétudes et angoisses contemporaines. Parmi ces menaces qui planent, le nucléaire a le vent en poupe. Peut-être parce que celui-ci, outre qu’il ait déjà démontré ses ravages, incarne à la perfection une catastrophe sourde, diffuse, omniprésente et insaisissable, contre laquelle il est impossible de lutter. La diffusion et l’immense succès de la mini-série Chernobyl produite par HBO et Sky Atlantic l’atteste. C’est de ce sujet, nettement moins traité au théâtre, dont se saisit Aurélie Namur. Dans Après la neige, la comédienne, autrice et metteuse en scène, formée au Conservatoire national supérieur de Paris, scrute ce danger par le prisme familial. Ou comment une famille touchée par un accident nucléaire traverse divers états et émotions.
Lorsque le spectacle débute, le pire s’est déjà produit, et le père (Brice Carayol), la mère (jouée en alternance par Julie Méjean et Aurélie Namur) et la petite fille (jouée en alternance par Chloé Marty-Ané et Lyra Hugand) sont installés dans un préfabriqué. Ce logement spartiate renvoie par son ameublement sommaire (matelas, frigo, lavabo, table et chaise) à la précarité dans laquelle vit désormais le trio. Après leur installation dans ce lieu, chacun s’accommode progressivement, et à sa manière, de la situation.
Tandis que la mère est inquiète, angoissée, dans une tension très affectée, le père, plus effacé, décide de devenir un « liquidateur », soit de nettoyer la zone contaminée. Un geste motivé par le désir d’accélérer la reprise d’une vie normale et de pouvoir réintégrer la maison quittée dans l’urgence. L’enfant, elle, joue avec une amie, fait de la balançoire, s’invente des histoires. Mais le provisoire s’installe, les saisons passent et la famille s’enferre dans une solitude et une inquiétude grandissantes. Il y a chez ces personnages une naïveté doublée d’un sentiment de fatalité face à ce qui leur arrive.
Naïveté, quant à leur méconnaissance d’un accident nucléaire et de ses contraintes – le père ne voyant pas le problème à laisser sa fille jouer dehors. Fatalité, les amenant à accepter de repartir vivre dans la zone trop prestement décontaminée, contraints par les difficultés financières qu’un refus déclencherait. En contrepoint à ces scènes réalistes, interprétées avec un jeu souvent trop appuyé, des scènes plus oniriques se déploient. S’y trouvent les jeux de la fillette et le monde qu’elle s’invente à travers la présence d’une biche et d’un faon. Mais même l’imaginaire est contaminé et peut devenir source de danger.
Comme le raconte Aurélie Namur, c’est la découverte d’un documentaire de Kenichi Watanabe, Le Monde après Fukushima, qui lui a inspiré ce texte. Un film dans lequel les gestes les plus quotidiens (jouer dehors, être en contact avec le sol, cultiver ses fruits et légumes) deviennent source de mort. Si Après la neige déplie cette demi-vie et ce rétrécissement des possibles qu’impose toute catastrophe de ce type, le spectacle le fait avec trop d’ingénuité. La mise en scène comme le jeu et la langue jouent la carte de la candeur surlignée, rendant le propos convenu. La quête d’adhésion, l’ultra-lisibilité et la compassion à tout prix se font au détriment de la pertinence et de la puissance. Reste alors la sincérité de la démarche et la présence d’acteurs dont on pressent le potentiel.
Caroline Châtelet – www.sceneweb.fr
Après la neige
Texte et mise en scène Aurélie Namur
Avec Julie Méjean, Brice Carayol, Brunelle Damond et Chloé Marty-Ané (en alternance)
Assistanat mise en scène Anna Zamore
Dramaturgie & collaboration artistique Félicie Artaud Scénographie Claire Farah
Décor Bernard Caumel
Création sonore Antoine Blanquart La compagnie les Nuits ClairesCoproduction Le Théâtre Jean Vilar-Ville de Montpellier, le Centre Culturel d’Alénya, Le Périscope à Nîmes
Soutiens La Chartreuse de Villeneuve lès Avignon/ CIRCA, le Théâtre Molière-Sète scène nationale archipel de Thau, SortieOuest-EPIC Hérault Culture, la Scène Nationale d’Alençon, le Centre Culturel L’illiade de Seyssinet-Pariset, le Printemps des Comédiens, le Théâtre de Pézenas, le Théâtre Le Sillon-Scène conventionnée d’intérêt national Art en Territoire, l’ATP d’Uzès, Le 11.Gilgamesh Belleville à Avignon
Avec le soutien financier de la DRAC Occitanie et du Fond SACD Théâtre.
Ce projet a bénéficié de l’aide à l’écriture de l’association Beaumarchais-SACD.
L’autrice a reçu une bourse d’aide individuelle à l’écriture de la région Occitanie.Durée : 1 heure
Festival Avignon Off 2019
La Manufacture – La Patinoire
du 5 au 25 juillet à 10h – Relâches les 11 et 18 juillet
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