Le Théâtre du Peuple de Bussang a été créé en 1895 par Maurice Pottecher, à flanc de montagne, dans les Vosges. « Pour l’art et l’humanité », c’était sa devise, qui est toujours inscrite au fronton. Et chaque année, depuis 126 ans, un grand spectacle rassemble une distribution de comédiens amateurs et professionnels. Pour la première fois, une metteuse en scène a été invitée par Simon Delétang, le directeur du lieu. Anne-Laure Liégeois a choisi Peer Gynt d’Ibsen. Un grand conte humain et philosophique qui se prête parfaitement à son théâtre, tout en simplicité. Pour incarner Peer Gynt, elle a choisi deux comédiens, Ulysse et Olivier Dutilloy, le fils et le père. Une histoire de famille pour un spectacle populaire, aux images magiques, créées avec la poésie de l’artisanat du théâtre. Interview bord de plateau.
En quoi le Théâtre du Peuple est un lieu inspirant pour une metteuse en scène ?
C’est un lieu de théâtre. C’est le théâtre absolu avec ces gradins qui sont à la même hauteur que le plateau, qui obligent le plateau à être assez pentu. Le bois et les arbres sont inspirants. L’histoire de ce théâtre aussi, et son passé. J’ai choisi Peer Gynt pour que cela m’inspire encore plus. De temps en temps, le soir, j’allais voir la tombe de Maurice Pottecher. Le spectacle raconte l’histoire du théâtre à commencer par les costumes qui viennent de plein de productions d’opéra, de spectacles très anciens, quand d’autres sont liés à l’histoire du Théâtre du Peuple. Monter Peer Gynt, c’était aussi parler de l’histoire du théâtre. J’étais très heureuse pendant toutes les semaines de répétitions car c’est un lieu porteur.
Votre mise en scène fait appel aussi à cette histoire du théâtre à travers les décors, ces toiles qui montent, qui descendent, ces grands voiles qui s’envolent. Vous utilisez des choses simples pour créer la magie du théâtre.
C’était ce que j’avais établi dans ma préparation, avec des petits dessins. Mais ces choses simples sont finalement compliquées à mettre en œuvre, pour que les toiles tombent au bon moment par exemple. Tout est fait à la main. Pour qu’une bâche devienne une mer, il faut que les comédiens activent des coussins pour créer des tourbillons. Les seize comédiens font tout manuellement avec les techniciens. Il n’y a rien d’électrique dans la scénographie, c’est un travail artisanal, et je m’en suis donnée à cœur joie, parce que c’était vraiment le lieu pour ça.
Faire jouer Peer Gynt par deux comédiens, votre fils et votre mari, a-t-il été une évidence pour vous dès le début ?
C’était une évidence, mais il faut toujours se méfier de l’évidence. Ulysse est un jeune comédien, je l’ai fait travailler énormément en amont. Il a passé une audition. Et puis, au bout d’un certain temps de travail, je me suis dit que je pouvais lui confier le rôle, et le faire jouer avec son père. En fait, cela a été assez facile, parce que ils ne sont jamais ensemble sur le plateau. Ils se croisent uniquement au moment de la mort. C’est un moment que je sais émouvant pour eux parce qu’ils sont dans les bras l’un de l’autre. Comme je répète les scènes uniquement avec les acteurs concernés, le père et le fils n’ont jamais répété ensemble. Je crois qu’ils sont extrêmement respectueux l’un et l’autre. Olivier est très admiratif de son fils, et inversement. Le spectacle est de l’ordre de la transmission. C’est vraiment une histoire de théâtre et de famille. J’aime les spectacles avec de nombreux comédiens, j’aime la famille du théâtre et on est très bien tous ensemble.
Propos recueillis par Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
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