Angelin Preljocaj livre avec Atys de Lully , sa première mise en scène d’un opéra, dans une version chorégraphique et très esthétique au Grand Théâtre de Genève puis à l’Opéra de Versailles.
On ne connaît qu’une seule version de référence de la tragédie lyrique de Jean-Baptiste Lully, celle, devenue légendaire, qu’ont donnée William Christie et Jean-Marie Villégier en 1987. Une nouvelle approche de l’œuvre se faisait donc attendre depuis plus de trente ans. Elle a été confiée à l’artiste Angelin Preljocaj qui signe sa première mise en scène d’opéra. Se situant aux antipodes de la pompe somptueuse d’un spectacle d’inspiration Grand siècle, son travail privilégie davantage l’épure nourri par un imaginaire composite et crépusculaire qui tend à l’universalité du mythe inspiré des Métamorphoses d’Ovide.
Entre abstraction et figuration, la danse est omniprésente. Pas seulement à l’occasion d’intermèdes qui viendraient ponctuer l’intrigue mais dans un flux quasi ininterrompu. Car c’est bien la totalité de l’œuvre qui est dansée, aussi bien par les interprètes du ballet du Grand Théâtre de Genève, magnifiques en horde de gardiens guerriers ou sous l’aspect d’une suite princière encapuchonnée, que par les chanteurs titulaires des rôles dont l’aisance corporelle ne fait pas défaut. Tous forment des ensembles à la fois dépouillés et foisonnants, non dénués de force et de finesse mêlées, pour accompagner les longues et déplorables errances de cœurs malheureux.
Tout en évitant de signer un ballet complètement narratif, le chorégraphe n’échappe pas toujours à la décoration ou l’illustration. La gestuelle développe un penchant pour une danse statuaire qui se veut toujours au plus prêt des corps. Ceux-ci s’affrontent et s’entremêlent joliment. Plusieurs scènes parmi les plus intimes et dramatiques de l’œuvre sont dédoublées et jouées en parallèle. Le procédé est efficace mais un peu trop répété. D’autres passages s’apparentent davantage à de grands rituels doloristes et méditatifs influencés par le théâtre No dont Preljocaj est familier.
La démesure de l’hybris tragique se mâtine d’une fine et suprême élégance. Preljocaj parvient à poétiser le chaos douloureux au cœur du drame qu’il rend sensible et sensuel. Incontestablement belle et émotionnelle, la danse ne transporte ni ne bouleverse autant qu’elle le pourrait, surtout qu’il faut tenir la longueur particulièrement conséquente de l’ouvrage. Elle transpire d’une désolation que rendent également éloquente les décors de l’artiste plasticienne Prune Nourry. Simple mais évocateur, un monumental mur des lamentations exhibent ses pierres massives et lézardées qui s’effritent sous une lumière sépulcrale. Les danseurs s’immiscent dans ses fissures qu’ils hantent superbement. Une forêt de branchages endeuillés puis l’ascension d’un arbre aux contours humains sur lequel Atys meurt sont de beaux effets.
Une distribution harmonieuse défend la partition dirigée aussi énergiquement que fort délicatement par Leonardo García Alarcón à la tête de La Cappella Mediterranea qui abonde en onctueuses langueurs sonores. Matthew Newlin se donne sans compter pour incarner et surpasser les difficultés du rôle-titre, le sensible Atys, résolu de ne jamais aimer mais épris de Sangaride qu’il tuera malgré lui ensorcelé par la déesse Cybèle qui l’aime. Ana Quintans, Giuseppina Bridelli, Andreas Wolf, Luigi de Donato s’illustrent avec aisance dans une déclamation d’une pure clarté et se montrent toujours au service de l’expression et de l’émotion.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Atys de Lully
Angelin Preljocaj Mise en scène et chorégraphie
Prune Nourry Décors
Jeanne Vicérial Costumes
Eric Soyer Lumières
Gilles Rico Dramaturgie et assistant mise en scène
Sammy Van den Heuvel Assistant décors
Alan Woodbridge Direction chœurs
Marion Moinet Assistante costumesNicholas Scott Zéphyr, Le Sommeil
Marta Fontanals-Simmons Melpomene
Matthew Newlin Atys
Giuseppina Bridelli La Déesse Cybele
Ana Quintans Sangaride
Andreas Wolf Celaenus
Gwendoline Blondeel Iris, Doris, Divinité fontaine
Michael Mofidian Idas, Phobetor, Un songe funeste
Valerio Contaldo Morphée, Dieu de fleuve
José Pazos Phantase
Luigi De Donato Le temps, Le Fleuve Sangar
Lore Binon La Déesse Flore, Melisse, Divinité fontaineCappella Mediterranea
Chœur du Grand Théâtre de Genève
Ballet du Grand Théâtre de Genève
Leonardo García Alarcón DirectionGrand Théâtre de Genève
27 février 2022 – 19h30
1, 3, 8, 10 mars 2022 – 19h30
6 Mars 2022 – 15hOpéra Royal / Château de Versailles
Du samedi 19 mars au mercredi 23 mars 2022
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