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« Amor[t] », l’euphémisation de la violence

Décevant, Les critiques, Paris, Théâtre
Lou Wenzel crée Amor[t] aux Plateaux Sauvages
Lou Wenzel crée Amor[t] aux Plateaux Sauvages

Photo Pauline Le Goff

Nouvelle création de la comédienne et metteuse en scène Lou Wenzel, Amor[t] charme sans convaincre.

Déjà accueillie aux Plateaux Sauvages en 2018 – où, seule en scène, elle portait le texte Max Gericke ou pareille au même du dramaturge allemand Manfred Karge –, Lou Wenzel s’installe à nouveau, en ce printemps, dans la petite salle du théâtre, mais, cette fois, pas en tant que comédienne. Celle qui a joué sous la direction de metteur·euses en scène comme Laëtitia Guédon – par ailleurs directrice des Plateaux Sauvages –, Jean-Claude Berutti, Olivier Balazuc ou Arthur Igual passe, en effet, régulièrement à la mise en scène depuis 2013. De cette création, dont Lou Wenzel signe l’écriture chorégraphique et théâtrale, le propos est condensé dans ce titre : Amor[t]. Jouant de l’homophonie entre « à mort » et « amor » (« amour » en espagnol, portugais ou roumain), le spectacle creuse de fait un sillon dramatique et romantique : celui d’histoires amoureuses traversées de violences, où la passion induirait, de fait, des relations brutales. À vrai dire, voir en 2025 ainsi déplié cet imaginaire misogyne et patriarcal qui atténue les schémas d’abus surprend. Et c’est peu de dire à quel point le travail de Lou Wenzel et de son équipe – en dépit de la qualité formelle indéniable de la proposition – laisse pour le moins circonspect quant aux impensés de son propos.

Amor[t] se déroule dans une chambre de femme. Signifiée par un lit à cour, un portant avec des robes à jardin et un « cadre » à l’avant-scène au centre du plateau – matérialisant une coiffeuse ou un miroir –, cette chambre n’est pas la « chambre à soi » théorisée par l’écrivaine Virginia Woolf. S’il s’agit d’un lieu de repli dans l’espace privé, elle n’a pas ici pour fonction de permettre de se consacrer à une œuvre. Cette chambre est, certes, le lieu de l’introspection et de l’imaginaire, de la réflexion, mais ce retour sur soi est ici implacablement imbriqué à l’attente de l’homme aimé. Lorsque la lumière se fait, une femme (interprétée avec subtilité par Hortense Monsaingeon) est assise à l’avant-scène. Vêtue d’une robe rouge, portant des escarpins noirs, un masque de soin sur le visage et sa cigarette électronique à la main, elle nous fait face. Répétant « Je suis heureuse » avant d’ajouter « Bon, ça se voit pas », elle semble autant se préparer au rendez-vous amoureux que s’auto-persuader de sa félicité. Après quelques atermoiements, seule en scène, où pointe l’autodérision, elle est rejointe par un couple de danseur·euses. Elle d’abord sous le lit et lui sur, le duo commence à jouer, à se taquiner, tandis que la femme en robe reste plongée dans ses pensées. Mais la tendresse de la joute dérape et la femme se sent agressée, est heurtée.

Au fil de son déroulé, le spectacle opère ainsi autant des bascules que des tressages entre moments de jeu et de danse. Diffractant volontiers la parole entre la femme en robe rouge et les deux autres comédiennes-danseuses – vêtues à l’identique, en noir avec juste une brassière rouge –, la création joue de toutes les combinaisons possibles. Qu’un·e seul·e danse ou que toustes évoluent de concert, l’ensemble, soutenu par une création musicale électro efficace, est à chaque fois une métaphorisation des paroles de la jeune femme. Le spectacle glisse ainsi de ses fantasmes à ses doutes, jusqu’à ses récits de violences subies dans la relation. Ce faisant, les quelques indices disséminés progressivement prennent tout leur sens et renvoient à la non-énonciation directe et frontale des abus endurés : du maquillage « pour dissimuler » à l’évocation du sentiment de perte de l’enfance.

Poussant la déstructuration – de l’espace, comme des corps et de la musique –, Amor[t] chemine jusqu’au récit d’une scène de viol conjugal et de violences, avant de se clore sur une « renaissance » énoncée dans un style fort lyrique. Si l’on perçoit bien la volonté de Lou Wenzel de donner à voir une trajectoire de sauvetage intime, la création achoppe sur divers points. Que ce spectacle ne passe pas le test de Bechdel est une chose, qu’il travaille à rendre aimable un récit d’emprise et de violence conjugale – sous couvert d’amour et de passion – en est une autre. En ne contextualisant rien, en se maintenant dans le registre des affects intimes du personnage, en donnant de la voix à l’homme agresseur pris dans ses propres tourments, Amor[t] trace sa route sans analyse ni prise de distance. Ce qui est à l’œuvre est une totale euphémisation des violences – dont les effets sur le réel (et les biais cognitifs qu’ils engendrent) sont largement documentés scientifiquement –, qui se déploie avec un souci volontariste de séduire, de charmer par la forme. Et peu importe que les artifices et l’interprétation soient aussi tenus que maîtrisés, une telle esthétisation de la violence, une telle romantisation d’une relation toxique est pour le moins problématique politiquement.

caroline châtelet – www.sceneweb.fr

Amor[t]
Mise en scène et écriture chorégraphique Lou Wenzel
Avec Sébastien Amblard, Juliette Bolzer, Orin Camus, Chloé Hernandez Camus, Hortense Monsaingeon, Lou Wenzel

Création musicale et sonore François Caffenne
Création lumière Sylvie Debare
Scénographie Lou Wenzel
Réalisation des décors Jean-Yves Lefèvre
Création costumes Cissou Winling
Collaboration artistique Hortense Monsaingeon

Production Compagnie La Louve
Coproduction Le Garage Théâtre
Coréalisation Les Plateaux Sauvages
Avec le soutien et l’accompagnement technique des Plateaux Sauvages

Durée : 55 minutes

Les Plateaux Sauvages, Paris
du 12 au 24 mai 2025

16 mai 2025/par Caroline Chatelet
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