Alice Laloy s’est installée il y a un an à Dunkerque au Bercail, son nouveau lieu de création dédié au théâtre de marionnette et d’objet. Un lieu ouvert sur la ville, comme ce sera le cas ce week-end avec La Chapelle Reviens 2024 !, à l’occasion du carnaval de Dunkerque. Portrait d’une manuelle cérébrale.
Alice Laloy compte un éventail de créations toutes plus abracadabrantes les unes que les autres, esthétiquement renversantes, fruits d’une démarche plurielle qui tisse ensemble de multiples disciplines et fait de la scénographie un élément fondamental de la dramaturgie. En perpétuelles métamorphoses, ses spectacles sont des cas à part : Ça Dada, Death Breath Orchestra, Pinocchio Live, A Poils…
A la tête de la Compagnie S’appelle Reviens, Alice Laloy déploie depuis une vingtaine d’années une créativité sensationnelle, hybride et hors norme. De spectacles en spectacles, avec ses acolytes de création, Jane Joyet, Benjamin Hautin et Antonin Bouvret à la scénographie, Maya-Lune Thieblemont et Anne Yarmola à la création costume, sa garde rapprochée, elle développe un langage sensoriel unique et toujours en mouvement, à la fois construction mentale et fabrication artisanale, où corps et objets cohabitent dans des biotopes imaginaires qui déplacent le regard et bousculent les codes. Une artiste passionnante et unique en son genre qui a posé ses valises, ses idées folles, son goût de la matière et ses rêves grandioses au Bercail à Dunkerque, lieu de création et laboratoire de recherche qui vient répondre aux besoins essentiels et envies de sa compagnie : expérimenter sur du temps long, mettre en œuvre des projets ambitieux, inventer des croisements avec le public et créer des partenariats avec d’autres institutions du territoire. Anciennement Théâtre la Licorne dirigé par Claire Dancoisne qui en a fait un outil européen de création pour la marionnette contemporaine et le théâtre d’objet, le lieu est rebaptisé via un vaste appel à participation, processus de récolte d’idées impliquant le public. Et devient Le Bercail pour acter une nouvelle ère autant que la démarche singulière de la compagnie. Un retour en forme d’élan. Le Nord pour port d’attache.
L’incubation
Alice Laloy a fait ses classes au TNS en section scénographie-costume à une époque où le département mise en scène n’existait pas encore. Son projet d’origine : devenir costumière. Faire de la création costume, inventer des silhouettes. « On abordait la création scénographique par la dramaturgie », se souvient-elle, « comme une énigme à résoudre. On nous encourageait à avoir un point de vue sur l’œuvre. Du coup, j’ai beaucoup appris à faire des choix, à me positionner. ». Entre temps, elle rencontre les arts de la marionnette et son champ de projection s’élargit. Le glissement entre les disciplines s’opère de façon assez naturelle et son écriture sensorielle, en porosité, ce goût prononcé pour les matières, en l’occurrence le textile, et ce désir d’échafauder des imaginaires construits, des architectures à la fois mentales et concrètes, impactent sa pratique artistique à venir. En 2002, elle fonde la compagnie S’appelle Reviens. Acte 1.
L’envol
Naissent une douzaine de créations, hybridant les disciplines, frictionnant des univers a priori incompatibles, des formes performatives inédites qui petit à petit tressent un langage, une écriture. Ce n’est pas la narration qui guide Alice Laloy mais ce qu’induit la cage de scène. Son cerveau procède par association d’idées, rebonds de pensée et projections imaginaires. A ses débuts, elle avance par collage, à l’image des dadaïstes, élaborant ses spectacles par vignettes, séquence après séquence. Un geste et une méthode de travail qui se concluent par Ça Dada, aboutissement d’une démarche qui la mène sur d’autres chemins et la pousse à créer autrement, considérant le geste dans son ampleur et sa globalité. Outre ses scénographies évolutives et ce principe de métamorphose au cœur de chacune de ses créations, il est un élément qui lui est cher, un dénominateur commun à ses œuvres : la notion de jeu. Qui se caractérise par une manière très ludique d’aborder la scène et une façon de jouer avec les distances, de plus ou moins coller à son sujet, de confronter les regards, d’accumuler les couches et les éléments, objets, machines, corps et sons en un système qui s’emboîte au carré tout en laissant place à la fantaisie, l’espièglerie, la connivence avec les strates de public aussi.
Le berceau du Bercail
Au Bercail, Alice Laloy planche sur son prochain projet dont la création est prévue à l’automne prochain, Le Ring de Katharsy. Une dystopie à vocation exutoire et cathartique qui s’inspire des jeux vidéo pour en inventer un grandeur nature. Avec des avatars de chair et d’os. Pour ce nouvel opus, elle s’entoure d’acrobates et de chanteurs et poursuit son exploration des corporalités hybrides, à mi-chemin entre l’humain et la marionnette. Et travaille à ouvrir le lieu à d’autres artistes et compagnies, afin que ce formidable outil, techniquement très équipé, offrant des volumes propices aux expérimentations et constructions, vive tout au long de l’année au rythme des sorties de résidence ouvertes au public. En faire un lieu de partage et d’expérience pour tous. A long terme, Alice Laloy fomente un projet d’orchestre gigantesque in situ, profitant de l’architecture et des possibles du lieu. « On travaille actuellement sur des prototypes pour faire du Bercail un instrument géant en impliquant plein de gens différents et en faisant appel à un compositeur pour une création musicale originale. ». Dans l’imminent, la compagnie s’active pour apporter sa pierre au fameux Carnaval, tradition régionale qui porte l’exubérance du déguisement dans les rues, et « faire chapelle », à savoir ouvrir le lieu au public, servir bière et soupe à l’oignon et faire la fête ensemble autour d’une immense installation textile, structure éphémère saisonnière fabriquée collectivement. « Pour que le Bercail soit un lieu chaleureux et agréable, qui alterne temps de repli favorisant l’immersion créative et espace de partage ouvert sur la cité, dans une dynamique vertueuse ». Une utopie bien réelle.
Marie Plantin – www.sceneweb.fr
LE BERCAIL
60 rue du Fort Louis, 59140 Dunkerque
Le 10 février, Chapelle Reviens en fanfare : tous à vos clet’ches !En tournée :
Pinocchio (Live) #3
Les 5 et 6 avril 2024 Le Trident, SN de Cherbourg-en-Contentin
Du 16 au 18 mai 2024 Théâtre National de Bretagne, Centre Européen Théâtral et Chorégraphique
Dans le cadre du Festival Transforme / Fondation d’entreprise HermèsA Poils
Du 6 au 8 février 2024 Festival des Rêveurs Eveillés – Sevran
Du 23 au 25 février 2024 à Culture Commune – Scène Nationale du Bassin Minier de Pas de Calais
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