J’adore alterner la mise en scène de mes pièces (tout récemment, La Chapelle-en-Brie et Impasse des Anges) et celles de Molière, où je reconnais le creuset de ce qui m’a impressionné en tant qu’homme de théâtre : la pertinence des analyses, le génie dramatique, la science du jeu, l’art des «lazzi ». J’y puise un réconfort quasi philosophique.
Il y a trois ans, je mettais en scène et interprétais L’Avare. Je vais bientôt faire de même avec Le Malade imaginaire. Les deux personnages ont en commun leur égoïsme forcené, leur monomanie désespérante. Pour assouvir ce qu’il faut bien malgré tout nommer leur passion (l’avarice pour l’un, l’hypocondrie pour l’autre) ils sont prêts à sacrifier leurs proches, n’écoutant que le « drelin drelin » de leur folie. En tant que comédien et metteur en scène, j’avais construit le personnage d’Harpagon comme un Golum moderne, un Nosferatu chef de clan aspirant le sang de la jeunesse comme un trou noir dévorant ses galaxies. Avec Argan, le malade imaginaire, nous sommes pratiquement à l’opposé. C’est un grand enfant, quand Harpagon était un vieillard. Un doux dingue irradiant une bêtise joyeuse. Un tendre envers ses maux supposés qui confine au pathétique. Un être de lumière, un « centrifuge » (quand Harpagon était « centripète ») partageant généreusement le secret de ses maladies avec le monde entier.
Il n’est que la régression au stade anal qui les relie. L’attachement « viscéral » à l’argent pour l’un, l’amour littéral envers ses propres viscères, pour l’autre. L’hypocondrie devient alors un moyen de s’aimer mieux en s’occupant exclusivement de soi. Et Molière ne cesse, hélas, d’être éternel. Lorsqu’il peint le malade imaginaire, aimant se caresser dans le sens du poil, il ne fait que tracer le contour du bourgeois moderne, celui qui lit « Psychologie » et entretient son corps plutôt que de songer à quelques valeurs collectives. Le corps, dernier rempart contre la barbarie. L’amour de soi comme ultime remède contre la crise. La régression égotiste de l’hypocondrie pour ne pas affronter le monde des grands. Alors, Argan devient un vrai clown, agissant comme un enfant pour oublier qu’il est adulte. Note d’intention d’Alain Gautré
LE MALADE IMAGINAIRE de Molière
mise en scène Alain Gautré
assisté de Éléonore Baron
avec Adama Diop, Caroline Espargilière,
Alain Gautré, Sarah Gautré, Sara Mangano,
Pierre-Yves Massip, Teddy Melis, Maxime Nourissat
musique
Stéphanie Gibert
chorégraphie
Pierre-Yves Massip, Sara Mangano
scénographie Alain Gautré, Orazio Trotta lumières Orazio Trotta costumes
Catherine Oliveira maquillages Céline Fayret création son Sébastien Trouvé
Coach chant Anne Lapalus
Production Tutti Troppo / Théâtre Georges Leygues – Villeneuve-sur-Lot / Théâtre Jacques Coeur – Lattes, Centre Culturel des Portes de l’Essonne. En collaboration avec le TOP – Boulogne Billancourt. Avec le soutien de l’ADAMI.
Mardi 19, mercredi 20 et jeudi 21 octobre au Théâtre Municipal de Montluçon
Du 12 au 21 novembre au TOP – Boulogne Billancourt
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