L’art pas standard de Théo Mercier et Steven Michel

Autour d’un meuble Ikea, Théo Mercier et Steven Mitchel interrogent nos vies lisses et rectilignes dans Affordable Solution for Better Living, une étonnante performance qui pulvérise le principe de standardisation.

Depuis sa création au Théâtre de Nanterre-Amandiers en début de saison, la pièce Affordable Solution for Better Living tourne internationalement et a reçu un prestigieux prix à la Biennale de Venise. Au-delà de l’anecdote qui consiste à convoquer et monter sur scène un des emblèmes du géant suédois de l’ameublement, elle fait le tableau effroyablement concernant d’un quotidien lénifiant et déshumanisant car automatiquement normalisé, uniformisé, aseptisé, par la consommation et le pragmatisme

Seul en scène, dans un espace totalement dégagé et recouvert d’un sol blanc, Steven Mitchel se présente en caricature de l’homme policé et bodybuildé. En short et baskets, il n’est qu’une silhouette factice puisque moulée dans une combinaison en latex qui lui sert de deuxième peau et un corps-étendard qui répond aux canons publicitaires auxquels il est inconsciemment soumis.

En s’adonnant à quelques enchaînements de mouvements de gymnastique et appuyant la dimension mécanique et robotique et de ses gestes décomposés avant de procéder au méticuleux montage de la fameuse bibliothèque en kit, l’interprète – excellent danseur – joue à prendre malignement les poses convenues et superficielles des modèles de magazines et fait preuve de force et d’adresse sous les encouragements d’une voix enregistrée, sorte de coach virtuel au discours stéréotypé.

Alors que son environnement se peuple soudainement d’une batterie de meubles en tout genre, fauteuil de bureau, lit à barreaux, lampes design, tables superposées, l’homme se défait progressivement de son enveloppe corporelle pour apparaître en créature sans peau, chair à vif et squelette vermillon. L’espace devient cauchemardesque. Sans parvenir à s’extraire du matérialisme décoratif et vampirisant dont il est prisonnier, il hante et décompose son propre intérieur d’une manière spectaculaire, entre douceur reptilienne et agressivité bestiale, à la recherche d’un abris, d’un refuge, sous les effets stroboscopiques et le chaos sonore fait de stridences et vrombissements.

La fable est à la fois farce et effroi. Certes peu équivoque et trop indicative, elle est tout à fait insolite. L’idée qu’un simple et inoffensif meuble phare de la consommation actuelle puisse aboutir à une réflexion introspective sur l’être et l’avoir est assez réjouissante, surtout lorsque celle-ci devient un terrain de jeu aussi inattendu qu’incongru.

Christophe Candoni – www.sceneweb.fr

Affordable Solution for Better Living
CONCEPTION, CHORÉGRAPHIE ET SCÉNOGRAPHIE
Théo Mercier et Steven Michel

TEXTE
Jonathan Drillet

AVEC
Steven Michel

CRÉATION SONORE
Pierre Desprats

CRÉATION LUMIÈRES
Éric Soyer

COSTUMES
Dorota Kleszcz

AVEC LES VOIX FRANÇAISES DE
Fanny Santer et Jonathan Drillet

DURÉE 
1h10

25 janvier 2019
Maison de la culture
Amiens
29-31 mars 2019
Vidy-Lausanne (Festival Programme Commun)
Lausanne (Suisse)
5 et 6 avril 2019
Cent-Quatre
Suite de la tournée à venir