Dans la lignée de notre première création, nous étions à la recherche d’une pièce qui nous permettrait de mettre en valeur notre travail de troupe, tout en parlant de la société dans laquelle nous évoluons. Nous souhaitions également poursuivre notre collaboration à la mise en scène, et continuer à raconter des histoires ensemble.
Depuis longtemps, nous étions interpellées par les phénomènes de masse qui conduisent à des dénouements parfois dramatiques. Que ce soit en regardant les informations, en observant ce qui se joue autour de nous, ou bien en puisant dans nos histoires personnelles, nous étions sans cesse confrontées à cette violence – parfois insidieuse- qui conduit un groupe à exclure un individu. Ce phénomène se retrouve à tous les niveaux de notre société, mais également à tous les âges. En effet, nous avons toujours été étonnées de constater que cette manifestation de violence commençait dès le plus jeune âge, et que les enfants entre eux pouvaient-être d’une cruauté désarmante. En travaillant dans des écoles, de la maternelle à l’élémentaire, nous avons observé de près leurs comportements, et l’évolution de celui-ci au contact des autres. Nous avons parfois été choquées de la violence de leurs échanges – verbales ou physiques- et de l’absence de limites qui les caractérise. Plus encore, ils n’ont aucune conscience, ni même de remords, quant à la portée de leurs actes. Ces comportements, qui sont normalement les premières pierres des relations sociales, de la vie en communauté, ont muté au fil des années, jusqu’à devenir sans limites. Les rapports futurs qui en découlent se sont donc eux aussi modifiés.
C’est alors que nous avons lu ADN. Le coup de cœur a été immédiat et l’envie de défendre cette pièce une évidence. ADN traite de toutes sortes de questions contemporaines, sur lesquelles nous souhaitons travailler. Le harcèlement, les bandes, la responsabilité, la violence, la culpabilité et l’identité sont autant de thèmes qui nous touchent.
Au départ d’ADN, il y a une « blague » qui tourne mal. Après avoir été torturé par certains membres de son groupe, le jeu dégénère et Adam est laissé pour mort. Se met alors en place un grand débat, sur la décision à prendre pour couvrir leur acte. Comment un groupe confronté a une situation extrême fait-il face ? Comment s’organisent – ou se réorganisent – les rapports de force ?
Nous avions envie d’explorer le phénomène de l’exclusion au sein d’un groupe de jeunes, où les codes sociaux sont forts. Ils évoluent en vase clos, dans une sorte de microcosme, les rendant ainsi prisonniers de l’engrenage infernal dans lequel ils se sont plongés. Et à mesure que la pièce avance, le poids de la culpabilité se fait des plus puissants. Reste alors à savoir de quelle manière continuer à vivre après avoir commis l’irréparable.
Au milieu de toute cette bande, il y a Léa. Elle n’a pas peur de crier haut et fort son indignation et son incompréhension du monde. Ou plutôt si, elle a peur. Mais elle assume. Ce personnage sera le fil rouge de notre histoire, le point de rencontre avec le public. Ses scènes à deux se passeront dans un cadre plus intimiste, à l’écart du groupe. Cela mettra ainsi en valeur sa prise de recul par rapport aux autres.
Pour raconter cette histoire, nous avons choisi de créer une atmosphère froide, brute, grâce à des décors épurés, en plaçant la lumière au centre de notre travail. Les scènes collectives seront figurées autour d’un feu, point de ralliement de nos jeunes. Il s’agira alors de retranscrire ces soirées, en apparence anodines, mais où tout dégénère, jusqu’à atteindre un point de non retour. Si nous avons privilégié une économie de moyens et un dépouillement de la mise en scène, c’est pour mieux mettre le groupe au centre de notre création, et ainsi jouer sur l’effet de nombre. L’espace scénique sera, de fait, habillé par les comédiens.
Si nous faisons du théâtre, c’est aussi pour faire entendre la voix de notre génération. Nous sommes persuadées que la magie de la scène et la force des émotions qu’elle procure peuvent ouvrir le débat et nous interroger au plus profond de notre humanité. A travers cette pièce nous voulons livrer une observation du monde qui nous entoure, car nous avons des choses à en dire. Comment se conditionne notre rôle dans la société ? Où se situe notre place ? Comment certains êtres, par manque de confiance en eux, peuvent-ils contribuer au pire ?
Nous voulons cette pièce surprenante et cruelle, cynique et sensible. Il ne s’agira pas d’être moralisateur mais plutôt d’entraîner le spectateur dans un voyage qui bouscule, qui questionne grâce à une écriture d’une incroyable profondeur. Nous souhaitons apporter l’élan de notre jeunesse et la fougue de nos convictions à ce sujet des plus complexes, sans nous départir de notre humour. C’est pourquoi nous avons à cœur de monter, de défendre et de faire entendre cette pièce, dont le thème est au centre de notre société. Qui n’a jamais été bourreau, victime ou bien témoin passif face à des situations d’exclusion ? A travers un thème fédérateur, Denis Kelly nous amène à une réflexion sur nous-mêmes, en dépeignant des personnages troublants d’humanité et de cruauté, sans jamais les juger.
Note d’intention de Marie Perret & Doriane Gautreau
ADN from Spigo Films on Vimeo.
ADN
(Acide DésoxyriboNucléique)
Texte
Dennis Kelly
Ce texte est représenté par l’Arche Editeur
Mise en scène
Marie Perret & Doriane Gautreau
Tout public / Public scolaire
Avec
Flore Babled
Stephane Belhandouz
Alexandra Branel
Lionel Correcher
Doriane Gautreau
Maroussia Henrich
Marieva Jaime-Cortez
Robin Manella
Victoire Lou Leboucher
Marie Perret
Yoann Rollo
Durée 1h15du 28 septembre au 2 octobre 2016
du mercredi au samedi à 20h30 et le dimanche à 17h
au Théâtre de l’Opprimé
78 Rue du Charolais
75012 Paris
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