Les 51 élèves de l’École du Théâtre National de Strasbourg occupent depuis le 9 mars les locaux de l’avenue de la Marseillaise. Un mouvement qui s’est enclenché à l’issue de celui de l’Odéon le 6 mars. IL a reçu le soutien de Stanislas Nordey, le directeur et metteur du TNS qui nous envoie cette lettre ouverte.
Depuis le 9 mars, les 51 élèves de l’École du Théâtre National de Strasbourg, toutes promotions et toutes sections confondues, habitent le Théâtre National de Strasbourg pour faire entendre une voix qui est celle d’une jeunesse poussée dans ses retranchements face à une situation anxiogène qui ne cesse de perdurer.
Ils mènent leur action dans un esprit de responsabilité qui force le respect.
Depuis de longs mois, depuis le début de cette pandémie, le Théâtre National de Strasbourg met toutes ses forces et son énergie pour amortir le plus possible les conséquences sur l’emploi des artistes et des techniciens intermittents et ce, à travers une politique volontariste de soutien aux auteurs, autrices, créateurs, créatrices, acteurs, actrices, techniciens, techniciennes.
En lien avec les compagnies programmées au TNS, nous avons au cas par cas inventé des solutions de report, évité les annulations tant que possible, maintenu tous nos engagements, sécurisé toutes les promesses d’embauche. Et ce, grâce au soutien du Ministère de la Culture, très à l’écoute de ces situations.
Cependant, le cri qui monte aujourd’hui un peu partout en France à travers l’occupation d’un certain nombre de structures culturelles est révélateur d’une situation de détresse plus profonde liée à la fois à une situation sanitaire générale inquiétante, mais également à une absence totale de perspective pour l’ensemble de la profession, et en premier lieu pour les plus fragiles et les plus précaires d’entre nous.
Les jeunes gens au seuil de leur vie professionnelle, et cela fait des mois que nous relayons cette parole auprès de nos différents interlocuteurs, sont totalement démunis. Théâtres fermés (à quand la réouverture ?), aucune perspective à court terme, un marché de l’emploi sans débouchés, saturé par les reports… Dans ces circonstances, l’élan des jeunes étudiants et étudiantes diplômé·e·s des écoles d’art est coupé en plein vol.
Pour un jeune artiste, il est, en temps normal, déjà difficile de choisir ces métiers : beaucoup d’inconnues, un désir immense chevillé au corps, mais la force de déplacer des montagnes.
Dans la situation actuelle il faut bien comprendre que cette jeunesse est face à un mur infranchissable, les premiers contrats fondent toute la suite du chemin, il y a un vrai risque de génération sacrifiée (et je pèse bien le mot en l’employant).
Alors bien sûr, en tant que directeur du Théâtre National de Strasbourg et de son École, je comprends l’inquiétude des étudiants que j’accompagne, et avec qui je travaille tous les jours, et je soutiens leur mouvement. Nous nous devons les un·e·s et les autres de leur apporter des réponses, ouvrir une voie d’espérance.
Au-delà de revendications précises et justes telles que la prorogation de l’année blanche et de mesures spécifiques pour accompagner encore davantage les plus précaires (et parmi elles et eux tous les primo-entrants sur le marché du travail), il est de la plus haute importance que le Gouvernement nous donne rapidement un horizon : la réouverture de nos salles dans les meilleurs délais, et par ailleurs un grand plan de relance ambitieux pour le secteur de la culture, qui veille à ne laisser personne sur le bord de la route.
Stanislas Nordey
Directeur du Théâtre National de Strasbourg
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