A situation sanitaire constante, certains directeurs de lieux plaident pour une réouverture des salles aux scolaires. Quand quelques-uns se risquent déjà à les accueillir, d’autres délocalisent les spectacles dans les écoles.
C’est une petite musique qui, à mesure que les jours passent, se fait de plus en plus lancinante. A défaut de pouvoir rouvrir leurs portes au grand public, certains directeurs de théâtre demandent l’autorisation d’accueillir de nouveau des groupes scolaires, voire universitaires. « Aujourd’hui, nous sommes ouverts pour le travail de création, pour les professionnels et, dans un cadre très précis, pour des ateliers d’éducation artistique, mais nous ne pouvons pas diffuser d’oeuvres auprès des élèves, détaille Laurent Dréano. Or nous disposons de salles assez grandes pour le faire dans de bonnes conditions sanitaires, avec une jauge limitée et des groupes bien séparés. »
Dans l’esprit du directeur de la Maison de la Culture d’Amiens, une telle mesure serait une question d’équité, alors que nombre d’activités périscolaires, notamment sportives, étaient, jusqu’à récemment, encore autorisées. « Quand les élèves peuvent aller à la piscine, pourquoi ne peuvent-ils pas venir au théâtre ?, s’interroge-t-il. A situation sanitaire constante, et dans la mesure où il peut y avoir des activités périscolaires pour les enfants, il est important qu’en tant que service public de la culture, nous puissions assurer un service minimum dont les enseignants et les élèves sont souvent très demandeurs. »
Se projeter
Sans s’en vanter, presque à couvert, quelques lieux culturels n’ont d’ailleurs pas attendu le feu vert formel du ministère et se risquent déjà à faire venir des scolaires lors de représentations dédiées. Pour justifier leur choix, ils se fondent sur le flou juridique relatif laissé par l’article 45 du décret du 29 octobre 2020 modifié. Il stipule qu’aucun établissement relevant du secteur culturel ne peut aujourd’hui accueillir de groupes scolaires ou périscolaires, à l’exception des ERP de type L pour les seules salles à usage multiple, dont certains théâtres estiment disposer. « Si de telles pratiques existent, elles supposent une prise de risque car, en cas de problème, le directeur du lieu engage sa responsabilité pénale, prévient Laurent Dréano. La position du Syndeac et des groupes de travail mis en place par le ministère a toujours été d’obtenir une autorisation explicite pour accueillir les scolaires. »
Beaucoup plus prudentes, nombre de structures décident d’emprunter une autre voie pour maintenir le lien entre les artistes et les élèves et de délocaliser les spectacles au sein des établissements. A l’initiative du Théâtre 71, des écoles de Malakoff et de ses environs ont par exemple accueilli ces derniers jours une lecture-spectacle proposée par la compagnie Tourneboulé, pendant que Les Anges au Plafond se préparent à présenter Le Cri quotidien dans les collèges et les lycées des Hauts-de-Seine. Dans la même veine, la compagnie (S)-Vrai et le Théâtre de la Poudrerie investissent les collèges de Sevran avec Se construire, qu’ils donneront notamment ce vendredi au collège Evariste Galois.
Aux commandes du spectacle Dear Prudence qui, dans le cadre du programme Lycéens citoyens, se joue cette saison devant des élèves de Nantes, Paris, Reims et Strasbourg, Chloé Dabert y voit « un moyen de provoquer la rencontre humaine et de faire sortir les jeunes des écrans derrière lesquels ils sont cantonnés ». « Lors des échanges qui ont suivi nos deux premières représentations de la mi-décembre, nous avons pu observer que cela leur faisait autant de bien à eux qu’à nous, poursuit la directrice de La Comédie de Reims. Leur grande attention et leurs réactions prouvent qu’ils se posent plein de questions et ont envie de réfléchir à d’autres choses que ce que la période nous impose à tous. Quant à nous, artistes, ces interactions nous donnent la sensation de servir à quelque chose à un moment où l’on peut perdre le sens de ce que l’on fait. »
Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr
Oui, il faut aller dans les écoles, si possible d’y représenter les spectacles que l’on veut présenter aux enfants.