Constance Rivière et Pap Ndiaye, chargés d’une mission de réflexion sur les questions de représentations de la diversité et de lutte contre la discrimination au sein de l’Opéra national de Paris, ont présenté ce matin lors d’une conférence de presse leur rapport. Certaines de leurs préconisations ont déjà été approuvées par Alexander Neef, le directeur général, comme la suppression du blackface et la réforme du concours d’entrée à l’école de danse.
Quelques mois après son arrivée à la tête de l’Opéra national de Paris, et suite à la parution d’un manifeste intitulé De la question raciale à l’Opéra de Paris, rédigé par un collectif de salariés issus de tous les métiers, Alexander Neef avait missionné en septembre la secrétaire générale du Défenseur des Droits, Constance Rivière, et l’historien Pap Ndiaye pour rédiger un rapport sur la discrimination sociale à l’Opéra et lui faire des propositions.
Les deux rapporteurs ont mené des entretiens avec une centaine de personnes, en interne et en externe, analysé des documents, et croisé les métiers de l’Opéra avant de rendre leurs conclusions qui sont sans appel : la diversité est la grande absente parmi les salariés de l’Opéra national de Paris, le concours à l’école de danse est peu ouvert et il manque de rôles inspirants dans le répertoire. Pour Alexander Neef qui a dirigé l’Opéra de Toronto, ces questions sont essentielles. « L’engagement en faveur de la diversité a été décisive dès mon arrivée » a martelé le directeur général tout en précisant qu’il ne s’agissait pas « d’importer un modèle qui vient d’ailleurs » mais que l’Opéra de Paris devait trouver ses propres solutions, édictées par les deux rapporteurs.
La première mesure concerne l’arrêt du blackface, du brownface et du yelloface. « On ne se grimera plus » dit Pape Ndiaye. « Notre approche n’est pas dictatoriale » explique Alexandre Neef. « Ce sera aux artistes de définir la représentation en dialogue avec nous. Les chorégraphes et les metteurs en scène seront libres, mais devront se poser la façon de représenter certains rôles sur le plateau ». Il a souvent été question de l’Opéra Othello de Verdi durant la conférence de presse. Pour Pape Ndiaye « la question de la vraisemblance est déjà traitée par les créateurs, des jeunes premiers peuvent déjà chanter des rôles de personnages plus âgés, on peut tout à faire résoudre ce problème avec un ténor Othello blanc, sans avoir recours à lui noircir le visage ».
Concernant les œuvres du répertoire, « il ne s’agit pas de les censurer mais nous allons supprimer des termes problématiques comme la danse des négrillons » a expliqué Alexander Neef qui souhaite également « valoriser les créateurs méconnus ou oubliés comme le Chevalier de Saint-George ».
Diversifier le recrutement des artistes
L’autre grande réforme concerne le recrutement. « Il faut réformer substantiellement le concours d’entrée à l’école de danse de l’opéra de Paris » ont expliqué les deux rapporteurs qui ont entendu pendant leurs entretiens la réalité des discours d’une partie du corps professoral du style «toi qui n’es pas blanc, tu ne pourras pas danser le Lac des Cygnes ». Leur rapport met en relief le manque de rôles inspirants pour les danseurs qui remonte à la tradition du ballet blanc à partir de 1830 avec les ballets romantiques et l’uniformité monochrome qui caractérise le chœur du ballet. « L’identification pour les enfants n’existe pas » explique Pape Ndiaye. « Ils ne peuvent pas s’imaginer faire une carrière. Aux USA, la promotion de Mysty Copland – première danseuse afro-américaine à avoir être nommée soliste au sein de l’American Ballet Theatre – a joué un rôle déterminant pour les jeunes afro-américains. » Les deux rapporteurs proposent donc de « diversifier les recrutements partout en France et y compris en Outre-mer ». Cela a déjà commencé souligne Alexander Neef « sur 22 candidats au dernier concours du corps de ballet, 6 étaient issus de la diversité et 4 ont été retenus ». Pour la recrutement des musiciens, la solution ne repose pas uniquement sur les épaules de l’Opéra de Paris, car la formation se déroule au sein des conservatoires et les auditions se déroulent devant des paravents. Mais pour les deux rapporteurs, il faut « revoir la composition des jurys pour qu’ils soient plus paritaires et divers ».
Ces mesures doivent s’accompagner d’une politique de ressources humaines au sein de l’Opéra national de Paris avec la nomination prochaine d’un référent diversité. Constance Rivière et Pap Ndiaye constatent que la diversité est plus marquée chez les salariés du secteur administratif, que chez les salariés des services techniques ou ceux de l’artistique. « Une question qui se pose à tous les étages, jusque dans le mécénat ». La nomination de Ching-Lien Wu, première femme cheffe des Chœurs de l’Opéra qui prendra la succession de José Luis Basso à partir du mois d’avril est un premier signe pour Alexander Neef, en attendant la nomination du successeur de Philip Jordan au poste de directeur musical (le nom du vénézuélien Gustavo Dudamel revient de plus en plus dans les conversations).
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
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