Cette édition 2021 de Montpellier Danse peut paraître moins internationale que les autres, crise sanitaire oblige. Et même si on prend de nouvelles de la danse venue de Grèce, d’Israël ou du Canada, les compagnies françaises si taillent, par la force des choses, la part du lion. Ainsi en ce mercredi 30 juin, trois premières se succédaient, montrant une certaine vitalité de la création Made in France avec Jann Gallois, Sylvain Huc et Maud Le Pladec.
Jann Gallois ouvre le bal avec Ineffable, un solo attendu. La danseuse se fait musicienne –à moins que ce ne soit le contraire- dans une création comme un voyage. On feuillette les pages de cette partition chorégraphique, riche d’emprunts aux danses d’ailleurs, ici une paume offerte comme dans une gestuelle lointaine, là un bras flottant dans l’espace. Du Japon à l’inde, Gallois navigue à vue, passe du cor au synthétiseur, imagine des boucles de son et de mouvement, défie le wadaiko, l’art du tambour, dans un même élan. Il y a quelque chose de jubilatoire à voir une telle interprète changer de masque, petit garçon tout d’abord puis courtisane l’instant d’après. Dans un solo robotique, elle retrouve les racines de la break dance. Sauf que dans Ineffable tout est digéré puis réinventé. Le final s’étire un peu, l’énergie de Jann Gallois se dilue alors. Mais dans cette traversée des corps vertigineuse, il y a matière à voir plus loin.
La Nuit de Sylvain Huc, donné dans la foulée, paraît presque austère au premier abord. Néanmoins ce trio, encore fragile, surprend. Chaque danseur est à la fois isolé et raccroché aux autres dans un jeu permanent de regards. La transe finale, superbe d’intensité, offre au spectateur attentif une infra-danse brouillant les perceptions. D’une certaine façon, Nuit est la pièce de l’après-confinement, une échappatoire au plateau. Sylvain Huc, peu à peu, élargit la focale, le trio d’interprètes activant d’autres principes en même temps que les pans des rideaux. Nuit a souffert d’une salle peu adaptée. Une boite noire comme le studio Bagouet avait les dimensions idéales. Mais il était pris par Jann Gallois.
En fin de soirée, Maud Le Pladec et sa troupe stylée envoutaient, à leur tour, les étoiles. Counting Stars with you (musiques femmes) est l’un des spectacles plus audacieux de l’été. Un concert de corps pour ainsi dire. Les 6 danseurs sont pour le coup chanteurs, s’emparant d’une toile musicale tissant serrée des œuvres de Lucie Antunes ou des chants du Moyen-âge. Un autre périple après celui de Jann Gallois. Pour Le Pladec, il était important de proposer une autre histoire de la musique, écrite au féminin pluriel. L’audace ne paye pas toujours et la chorégraphie s’estompe dans les premiers instants avec des courses vaines. Il faudra attendre le grondement des basses, un solo superbe d’assurance puis des unissons sur scène pour que Counting Stars with you provoque enfin des frissons. Une fois lâchée, la gestuelle trouve sa vraie nature, débridée et sensuelle. Aidée de Tom Pauwels de l’ensemble Ictus, avec une distribution de feu, les Stars de Maud Le Pladec ont fini par éblouir.
Philippe Noisette – www.sceneweb.fr
Ineffable, conception Jann Gallois, Montpellier Danse Studio Bagouet, jusqu’au 2 juillet, Théâtre National de Chaillot 22 sept au 1 octobre puis en tournée
Nuit conception Sylvain Huc, Montpellier Danse Théâtre de la Vignette jusqu’au 2 juillet
Counting Stars with you, conception Maud Le Pladec, CDN Orléans, Montpellier Danse Théâtre de l’Agora, 1 juillet puis tournée
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