Après l’Odéon et Anne-Cécile Vandalem en mai, les Intermittent.es du désordre sont intervenus au Théâtre de la Colline la semaine dernière pendant un spectacle de Vincent Macaigne. Ses spectacles sont-ils transgressifs ou cyniques ? Une question posée par ce collectif qui a refusé le dialogue avec le metteur en scène à l’issue de leur happening. Ce que regrettent l’intéressé et la direction du théâtre.
Le 12 juin dernier, au théâtre de la Colline, les Intermittent.es du désordre – qu’on avait découvert au mois de mai faisant irruption au théâtre de l’Odéon – sont intervenus pendant le spectacle de Vincent Macaigne, Je suis un pays . Une flashmob mise en scène et relayée lundi sur le Web par une vidéo et un communiqué. Dans ce dernier, au ton pamphlétaire, les Intermittent.es du désordre critiquent Vincent Macaigne pour avoir voulu encadrer leur prise de parole et expliquent les raisons pour lesquelles ils n’ont pas souhaité discuter avec lui « Accepter le bout de viande et ne pas vouloir la vache en entier aurait été un non sens. Organiser le désordre c’eût été le faire entrer dans le rang et de façon hypocrite, sous la bénédiction d’un pouvoir, c’est-à-dire déguiser l’ordre, l’accepter« . Sur les faits, ce dernier explique avoir agi pour des raisons de sécurité. Au final, les artistes activistes ont bel et bien pu s’exprimer.
Le metteur en scène ne souhaite pas entretenir la polémique mais s’est tout de même exprimé sur les réseaux sociaux. « Il est diffamatoire, je n’ai pas empêché les intermittent.es du désordre de prendre la parole au contraire, j’ai mis le plein feu dans la salle et j’ai attendu qu’ils puissent lire leur texte« . Arnaud Antolinos, directeur adjoint de la Colline confirme : « il y a plusieurs tonnes qui tombent des cintres, à cinq minutes près, ça leur tombait sur la figure« . Il ajoute que le théâtre et le metteur en scène avaient été prévenus de leur venue et qu’ils étaient d’accord pour laisser la parole aux Intermittent.es du désordre. Parole accueillie contre parole voulant semer le désordre, les deux parties n’ont pas su se rencontrer.
Plus intéressant dans cette histoire reste certainement l’accusation que portent les Intermittent.es du désordre vis-à-vis du metteur en scène et de la nature de ses spectacles. « Il ne se rend peut-être pas compte que son cynisme est le plus grand instrument du pouvoir en place et de l’ordre qu’il croit combattre » expliquent-ils, critiquant un artiste qui « rend le monde incompréhensible », notamment « en rendant la révolte cool, tendance » ou « en dépensant avec indécence l’argent public quand des hommes et des femmes souffrent dehors des manques de moyens engagés par l’État ».
Peut-on à la fois être accepté par le système – jouer dans un théâtre national – et contribuer à sa remise en cause ? Qu’en est-il de la réelle dimension transgressive de spectacles qui se jouent entre quatre murs et devant un public majoritairement blanc et bourgeois ? Des questions qui agitent régulièrement le monde du théâtre au même titre que celle de la capacité de l’art à changer la vie.
Il faut certes discuter de ce que véhiculent les spectacles de Vincent Macaigne. Mais les Intermittent.es du désordre posent la question de l’argent dans les production du théâtre public. Un débat intéressant, et que d’ailleurs alimentent des artistes en Europe, comme le belge Milo Rau qui vient de publier un manifeste sur sa vision du théâtre du 21e siècle. Mais un débat qui, posé sous cette forme, rallie l’argumentaire des contempteurs de politiques culturelles publiques. Les artistes sont-t-ils des nantis ? Vincent Macaigne est-t-il un « bourgeois mégalomane s’adressant à une bourgeoisie anesthésiée » ? Activistes sans Dieu ni maître ou nouveaux entrants de la concurrence scénique, les Intermittent.es du désordre doivent à leur tour être interrogés sur les implicites de leur parole et de leur mode d’action.
Eric Demey
Vincent range ta chambre from Les Intermittent.e.s du Désordre on Vimeo.
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