L’avenir de l’association qui dirige la petite salle emblématique de la Goutte d’or semblait pérennisé. Mais l’entreprise sociale, HSF, dont l’usure du bail a été déléguée par la mairie de Paris, souhaite son expulsion, après l’avoir défendue. Une pétition est en ligne pour soutenir le LMP.
Nouveau rebondissement au Lavoir Moderne Parisien. Dédiée au théâtre émergent, cette salle parisienne au cœur du quartier de la Goutte d’or dans le 18e arrondissement se retrouve une fois de plus dans la tourmente. On croyait son avenir pérennisé, avec à sa tête l’association qui la dirige, Graines de soleil, et ses dix employés (en comptant les intermittents). On était loin d’imaginer le nouveau rapport de force qui oppose désormais ces derniers avec la mairie de Paris ; mairie qui a pourtant sauvé le théâtre de sa disparition en 2020. C’est à ne plus rien y comprendre. Retour sur un dossier dont l’actualité feuilletonnante déborde le cadre du spectacle vivant.
Le Lavoir moderne est, comme son nom l’indique, un ancien lavoir parisien, datant de la fin du XIXe. Le lieu devient un théâtre en 1986, alors que Jacques Chirac est maire de la capitale. Depuis 2014, l’association-compagnie Graines de soleil (subventionnée par la mairie) en prend la direction, avec Julien Favart comme co-directeur. L’objectif est aussi simple qu’ambitieux : mettre en valeur la création émergente, permettre aux jeunes compagnies de jouer leur spectacle ; devant leurs amis, devant un public curieux, devant des programmateurs. Certaines créations qui ont vu le jour au LMP (Etienne A, Les Femmes de Barbe-Bleue, Beauté fatale, Arletty…) ont connu de beaux parcours.
En coulisse, tout n’est pas rose. Quand Graines de soleil investi le lieu et rachète le fonds de commerce, son bail est détenu par la société luxembourgeoise, Zaka, qui souhaite construire des logements à la place de la salle de spectacle, une affaire bien plus lucrative. Julien Favart et les siens se démènent, interpellent la municipalité, font valoir leurs droits, tout en assurant la programmation du lieu. Autant d’efforts qui deviennent payants en juillet 2020, quand la municipalité décide de préempter la salle : pour son histoire, pour la culture et pour le quartier de la Goutte d’or, enclave précaire au sein de la capitale.
« C’était une solution satisfaisante de notre point de vue, explique Julien Favart, nous pensions enfin être tranquilles et pouvoir nous concentrer sur ce que nous savons faire : du théâtre. » Ce qui ne sera pas le cas. Deux ans plus tard, c’est-à-dire en octobre 2022, l’entreprise sociale HSF (habitat social français), qui détient désormais le bail pour le compte de la ville, souhaite la mise en place d’un appel d’offres, évoquant une obligation juridique, et un souci de transparence. « C’est totalement faux, rétorque Julien Favart. Ils n’en ont pas l’obligation, tous les juristes que nous avons consultés sont formels sur ce point. »
Comment expliquer un tel retournement de situation ? « C’est un mystère, poursuit le co-directeur. Ceux qui nous défendaient hier nous attaquent aujourd’hui. Peut-être qu’ils veulent mettre des amis à eux à notre place… » Quoiqu’il en soit, HSF a demandé l’expulsion de l’association. À la mairie, jointe par Sceneweb, la réponse officielle tient en une phrase : « La ville tente de jouer les conciliateurs entre HSF et Graines de soleil ». « C’est faux, commente Julien Favart. Ce sont eux qui détiennent majoritairement HSF, ce sont eux qui décident de notre sort. Pourquoi n’attendent-ils pas tout simplement la fin de notre bail ? » Des initiatives devraient être mises en place dans le courant de la semaine pour soutenir l’association. Certains partis politiques (dont les Verts, la Nupes…) ont pris position en faveur de Graines de soleil. Affaire à suivre.
Igor Hansen-Løve – Sceneweb.fr
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