L’été ne sera pas festif. L’utopie d’un déconfinement joyeux a disparu, c’est sûr, à mesure que l’ombre de la menace persistante du virus s’étend sur les vacances. Toutefois, si la déclaration du 13 avril du Président de la République – « pas de festival avant la mi-juillet » – a signé la fin du feuilleton Avignon, et si d’autres événements programmés cet été restent soumis à de lourdes incertitudes, pour certains l’horizon pourrait s’éclaircir.
A Bussang, chaque mois d’août, ce sont entre vingt et trente mille spectateurs qui assistent aux trente représentations d’un rassemblement mêlant comédiens amateurs et professionnels, événement qui par son ampleur et sa nature n’a pas d’équivalent en France. Son directeur, Simon Delétang, avait prévu cette année d’y monter à la suite Hamlet de Shakespeare et Hamlet Machine d’Heiner Müller, en mêlant 18 comédiennes amatrices à des comédiens professionnels, avec, entre autres, Loïc Corbery de la Comédie Française. Mais le projet est aujourd’hui largement hypothéqué.
« On doit faire le tour des partenaires – Ministère, Région, Département, Préfet et communauté de communes – et prendre une décision d’ici quinze jours », explique le metteur en scène. « On est dans le Grand Est, à 30 minutes de Mulhouse. Pas loin du premier cluster. Notre public n’est pas jeune en moyenne, et je ne sais pas s’il aura envie de se serrer sur des bancs. On attend le plan de déconfinement progressif, pour voir de quoi il en retournera en termes de mesures de sécurité sanitaire. Soit, on maintiendra parce qu’on se dit que c’est important que l’art vive, soit on se dira qu’on ne peut pas le faire dans de bonnes conditions ». Les jeux sont donc ouverts, mais à mots couverts, Simon Delétang semble assez pessimiste. « C’est épuisant cette attente. On fait tous les scénarios qu’on peut et on a la tête en compote. On ne peut plus penser à l’artistique. Les acteurs me disent qu’ils arrêtent d’apprendre le texte parce qu’ils ne peuvent plus se projeter. Et je me dis que dans ces conditions, il faut demeurer humble. On ne va pas se plaindre alors que cette situation est partagée par l’ensemble de la société. Et si pour moi, le théâtre peut être de l’ordre de la résistance, dans ces conditions, j’ai du mal à me dire que c’est l’enjeu du moment ».
Des festivals adaptables
Le ciel semble cependant plus dégagé du côté de la Charente où Matthieu Roy et Johanna Silbestein sont plutôt optimistes concernant le maintien de leur festival d’été, prévu du 27 juillet au 20 août à la Maison Maria Casarès, à Alloue. « Nous sommes sur des petites jauges de 80 spectateurs avec des spectacles qui sont majoritairement en extérieur. Alors, ce ne sera pas difficile pour nous de nous adapter » explique la comédienne codirectrice de la Maison Casarès. « Ici, on est dans un parc, c’est comme une grande fête de famille. On espère que tout le monde aura envie d’aller se promener et de se changer les idées ». Car à Alloue comme ailleurs, l’incertitude majeure demeurera in fine la venue du public, surtout dans le contexte local d’une fréquentation vieillissante. « On est passé de 1000 à 3300 visiteurs du festival en trois ans, explique pourtant Matthieu Roy. Et on peut aussi penser que la situation nous ramènera plus d’actifs. Et comme pour ce festival on travaille avec l’équipe présente à l’année – tout le monde fait tout ici -on s’adaptera à la pente que ça va prendre après le déconfinement ».
Même optimisme du côté de Robin Renucci, président de l’ARIA (Association des Rencontres Internationales Artistiques) en Corse, avec un festival qui démarre à la mi-juillet. Environ 150 personnes y sont attendues, apprentis comédiens et techniciens pour préparer avec des professionnels (Laurent Brethomme, François Rancillac, Olivier Letellier par exemple cette année) des spectacles qu’ils présenteront au public à partir de début août. Hors une incertitude sur la possibilité pour les étrangers de rallier la France et sur la spécificité sanitaire de la Région où s’est développé un foyer précoce d’infection, Robin Renucci l’affirme, « a priori, ça devrait se tenir ». Idem pour le festival Théâtre en Île de France que les Tréteaux de France – CDN que dirige le comédien metteur en scène – organise sur des bases de loisirs (Cergy, Draveil, St-Quentin en Yvelines) à l’adresse d’un public qui ne sera pas parti en vacances. Spectacles tout public gratuits, lectures à voix haute, clowns et autres ateliers de pratique théâtrale devraient y être proposés tout l’été. Comme prévu initialement.
Eric Demey – www.sceneweb.fr
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