Le mouvement #Metoothéâtre a organisé samedi 16 octobre sa première mobilisation à Paris, place du Palais Royal, à quelques mètres du Ministère de la Culture. Un événement qui a laissé apparaître la diversité des revendications qu’il draine mais aussi sa possible inscription dans l’agenda politique et social.
Quelques centaines de personnes se sont rendues ce samedi matin à la manifestation organisée par le collectif #Metootheatre devant le Palais Royal à Paris. Un rassemblement marqué également par une présence politique importante : Audrey Pulvar, Danielle Simonnet, Delphine Batho et Yannick Jadot notamment s’y sont retrouvés, plus ou moins longuement. Sur l’estrade, au micro, de nombreuses prises de parole ont laissé éprouver la détermination d’un mouvement naissant et l’ampleur de la tâche à accomplir.
Il y a une semaine, le collectif #metootheatre appelait la parole à se libérer sur Internet au sujet des violences sexuelles et sexistes à l’œuvre dans le monde du spectacle vivant. La garde à vue de Michel Didym suite à une plainte déposée en décembre dernier, révélée en avril par sceneweb et France 3 puis par l’article d’une journaliste de Libération sur ses agissements ont servi de détonateur dans un milieu qui n’avait pas été épargné jusqu’ici par les accusations de viol mais qui y est resté assez peu réactif, au regard notamment de celui du cinéma. Marie Coquille-Chambel, étudiante, militante et youtubeuse critique de théâtre est à l’origine du mouvement.
Après avoir porté plainte pour viol à l’encontre de Nâzim Boudjenah, par ailleurs condamné à 6 mois de prison avec sursis pour menaces de mort à son encontre, elle s’indigne par exemple que celui-ci demeure pensionnaire de la Comédie Française. Le silence des institutions, son immobilisme, c’est bien cela qui est en cause. Depuis le lancement du hashtag #metootheatre, plus de 6000 messages sont en effet venus rendre compte des violences qui peuvent s’exercer dans le milieu du théâtre. Des écoles les plus anonymes aux théâtres nationaux les plus réputés, ces violences apparaissent multiformes. Des remarques et gestes déplacés aux viols en passant par les abus de position de pouvoir, ces pratiques, si l’on en croit les membres du collectif, sont largement connues mais restent malheureusement bien peu dénoncées.
« Il faut que la peur change de camp » entend-on souvent ce samedi matin devant le Palais Royal. Car celle-ci semble avoir jusqu’ici fermé les bouches des victimes. Dans une tribune parue le 13 octobre dans le journal Libération, plus de 1450 signataires – dont quelques figures du théâtre public français et plus largement de la scène française – en appellent à des mesures pour que ce nouveau cri ne reste pas sans lendemain. Et pour qu’enfin les rapports de force changent. Quantifier l’ampleur du phénomène, sensibiliser à cette question dans toutes les structures du théâtre et laisser davantage de place aux femmes dans les programmations et aux places de direction font partie des principales pistes évoquées.
Sur l’estrade, des femmes reprennent cette tribune, lisent des textes d’autrices, de metteuses en scène. Parmi elles, Alice, qui a porté plainte contre Michel Didym, qui témoigne masquée et visiblement émue. De ces prises de parole qui se succèdent pendant plus d’une heure, ressort la détermination à bouleverser un ordre de domination masculin dans un milieu qui se dit pourtant volontiers progressiste. La volonté de mettre à terme à ces violences, mais aussi de s’inscrire dans un combat plus large contre le patriarcat et le capitalisme. « Ouvrir d’autres imaginaires », penser autrement les rapports sociaux au delà-même de la de la profession passera peut-être par une convergence des luttes, évoque-t-on. La tâche est immense mais elle trouve maintenant des relais dans la sphère politique et syndicale (la CGT spectacles également présente à la manifestation). Un mouvement paraît lancé.
Eric Demey – www.sceneweb.fr
Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?N’hésitez pas à contribuer !