Montpellier Danse ouvre le bal de son édition bis avec la reprise de So Schnell créé en 1990. Sous la direction artistique de Catherine Legrand le geste selon Dominique Bagouet s’offre un nouveau souffle.
Avec la disparition des grands maîtres de la chorégraphie du XXè siècle se pose la question d’un répertoire à perpétuer. Dans certains cas la compagnie continue son engagement, servant une danse, renouvelant les interprètes. Inventant aussi un futur. Ainsi du côté de Wuppertal, 11 ans après le décès de Pina Bausch, la troupe continue de danser ses pièces. Les anciens assurent la passation, de jeunes danseurs virtuoses s’y font les griffes. La compagnie s’est essayée à des invitations lancées à des chorégraphes venus de l’extérieur (Dimitris Papaioannou ou Alan Lucien Oyen) pour des résultats plus ou moins probants. Surtout le répertoire du Tanztheater Wuppertal est assez riche pour réserver des surprises avec chaque reprise. Soit plus d’une quarantaine de chorégraphies. Du côté de Béjart, c’est bien plus et le Béjart Ballet Lausanne donne en majorité les hits comme le Boléro ou des créations de Gil Roman « héritier » de Maurice. Mais pour un artiste comme Dominique Bagouet le problème est autre.
Plus de troupe attitrée mais une association Les Carnets Bagouet qui supervise les reprises. Ce qui explique peut-être la rareté des ballets du chorégraphe également à l’initiative du festival Montpellier danse. So Schnell est une œuvre singulière ; elle a ses fans. Elle est unique. « Avec la partition musicale comme avec les sons provenant de machines industrielles de bonneterie, j’ai donc préparé des pages de trames très précises de construction, au service d’un vocabulaire sans « scrupule d’esthétisme », mais soucieux d’énergie et d’exploration souvent individuelle pour les quatorze interprètes* » déclare Bagouet à la création. Il doit alors inaugurer le large plateau de l’Opéra Berlioz (le Corum). Surtout le chorégraphe, qui auparavant avait déjà offert deux versions de la pièce Voyage organisé, une en 1977 et l’autre en 1980, va plus loin dans sa réflexion : « En choisissant de chorégraphier une pièce autour d’une cantate de Bach, juste après Jours étranges, reliée à la musique des Doors, j’ai voulu continuer à m’attaquer, avec leurs propres armes, à des pièces de mon répertoire sans les renier pour autant : les ordonnances précises de Déserts d’amour et les nuances du Crawl de Lucien, par exemple ». Faire vivre son répertoire sur une ligne de crête entre création et passé en résumé. Quelle intelligence à l’œuvre.
Deux ans plus tard, en 1992, un second So Schnell est présenté : « Une autre version est donc née qui bénéficie d’un regard nouveau posé sur la précédente. La construction générale de la pièce a peu changé mais ce territoire maintenant connu semble m’autoriser plus d’audaces en liaison avec les qualités personnelles de chaque interprète, le rééquilibrage des rôles permettant une motivation et une connivence plus grande entre les partenaires » Un prologue ici, un duo là, ce So Schnell bis est troublant. Bagouet puise dans ses créations précédentes matière à penser le mouvement. So Schnell est épris de liberté. La mort, l’enfance, l’échange l’enrichissent.
Aujourd’hui So Schnell renaît. 30 ans après. Pour Catherine Legrand, ancienne danseuse de la compagnie Bagouet, il faut faire du neuf avec le neuf : exit la scénographie, les costumes, les lumières. La danse de Dominique Bagouet est tout cela et encore plus. De jeunes interprètes recrutés pour l’occasion, des « anciens « retrouvés » et So Schnell comme jamais. Au moment de la seconde version de So Schnell, Dominique Bagouet voyait la danse « devenant alors une fuite rapide – so schnell, si vite – qui ne veut pas finir. Elle finira bien sûr, mais qu’avant cela au moins l’espace soit envahi de forces qui laissent quelques traces ». Ce qui nous est offert en cette rentrée est bien plus que cela : une mémoire vive.
Philippe Noisette – www.sceneweb.fr
* programme de la compagnie Bagouet, 6 décembre 1990
So Schnell, chorégraphie Dominique Bagouet sous la direction de Catherine Legrand, Théâtre de l’Agora, Montpellier danse, 19 et 20 septembre www.montpellierdanse.com
3 au 5 décembre Centre National de la Danse Pantin www.cnd.fr
Un gros merde pour cette reprise. J’ai hâte de vous voir au CND prochainement. Merci de continuer à faire vivre cette danse fulgurante, pétillante et profonde.
Claire