Le livre « La Révolution, la danse et moi » de Alma Guillermoprieto éclaire les années 60 à Cuba d’un autre regard. Celui d’une danseuse « embarquée » dans une aventure singulière.
Difficile de ranger « La Révolution, la danse et moi » dans un seul genre littéraire. On peut parler, à propos de l’ouvrage de Alma Guillermoprieto, de récit initiatique. L’autrice elle-même s’y perd. « Avec ces lambeaux de souvenirs, il serait absurde d’affirmer que ces pages sont le récit historique et fiable de ma vie durant ces six mois. Mais ce n’est pas non plus un roman ».
Alma, mexicaine d’origine, se rêve soliste contemporaine dans le New York remuant des années 60. Elle prend des cours chez Martha Graham, danse pour Twyla Tharp et vénère Merce Cunningham. Une petite vie tranquille, sans un dollar en poche, mais avec beaucoup d’espoir. Jusqu’au jour où Cunningham lui parle d’un poste à pourvoir de professeur de danse. Où cela ? Cuba ! En plein blocus américain de l‘ile, voilà notre danseuse découvrant un pays et sa politique –culturelle mais pas seulement. Son arrivée à l’aéroport de La Havane est savoureuse, sa découverte de ses élèves touchante.
Alma évoque la gestuelle avant-gardiste de Cunningham mais se heurte à l’incompréhension de sa classe. Et lorsqu’elle s’étonne de l’absence de miroirs dans la salle de danse on lui rétorque : « Nous sommes des révolutionnaires… dans les studios de danse de Cubanacan, jamais on ne verrait de miroir ». Le récit va au-delà de cette apprentissage –Alma a juste 20 ans. Il met en scène La Havane, ses musiciens et ses intellectuels, les interrogations d’une jeune femme quant à son engagement et un pays qui fait de l’éducation le fer de lance de sa politique. Le style de Alma Guillermoprieto se fait parfois lyrique, souvent détaillé voir un rien laborieux dans des longs descriptifs sur la culture traditionnelle cubaine (ou la canne à sucre que tout le peuple, ou presque, doit faucher). Mais ce témoignage est précieux offrant un regard neuf sur une époque qui n’est plus.
Depuis, Alicia Alonso la grande prêtresse du ballet classique à Cuba est morte, les touristes ont envahi La Havane et internet –encore défaillant sur l’Ile- rapproche les danseurs. Il y a des flirts, une bande de copains un peu fous et une grève à l’école de danse en perspective. On en apprend autant sur la (dure) réalité de l’enseignement chorégraphique que sur l’éveil d’une conscience. Alma deviendra journaliste après son départ de Cuba. Les mots plus forts que les arabesques. « La Révolution, la danse et moi » en porte le témoignage.
Philippe Noisette – www.sceneweb.fr
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