L’association professionnelle Scènes d’Enfance – ASSITEJ a adressé lundi 4 mai une lettre ouverte au ministre de la Culture. Elle y sollicite un message public concernant le secteur jeune public, afin d’organiser au mieux la reprise de ses activités. Contre la « malnutrition culturelle ».
Les artistes et professionnels qui œuvrent en direction de l’enfance et de la jeunesse sont profondément affectés par la crise actuelle. Ils souffrent « singulièrement de la situation », lit-on dans la lettre ouverte adressée au ministre de la Culture par Scènes d’Enfance – ASSITEJ, « en raison notamment de la spécificité de leur rapport au public, de leur relation privilégiée avec le monde de l’éducation et des actions artistiques et culturelles qui accompagnent la création à destination de l’enfance et de la jeunesse ». Une étude réalisée en 2019 par l’association a de plus prouvé que les compagnies du secteur du jeune public dépendent plus largement que les autres de la diffusion de leurs spectacles. Scènes d’Enfance – ASSITEJ demande une reconnaissance par le gouvernement de ces problématiques spécifiques. Et sollicite un accompagnement dans leur prise en charge.
Des préoccupations invisibles
Autre particularité du secteur jeune public dans le champ de la création théâtrale : l’importance de l’action culturelle dans la mission de service public assurée par les lieux et compagnies concernés. En particulier auprès des jeunes les plus fragile sur les plans sociaux et économiques. Or, selon Émilie Robert, directrice du Théâtre Massalia à Marseille et coprésidente avec Bernard le Noach’ (Très tôt Théâtre à Quimper) et Gregory Vandaële (Le Grand Bleu à Lille) de l’association qui s’adresse aujourd’hui au premier ministre, « cette part de nos activités n’a à ce jour pas été évoquée dans les différents discours des représentants de l’État concernant le déconfinement et la reprise de la vie culturelle ».
« En 2019, la psychanalyste Sophie Marinopoulos exprimait dans un rapport au ministère le manque d’éveil culturel et artistique des tout-petits : les enfants de moins de trois ans souffrent, y dit-elle, d’une ‘’malnutrition culturelle’’ causée par un manque de lien avec les parents et l’extérieur. Favorisant l’utilisation à outrance d’écrans et le repli, le contexte actuel va forcément aggraver ce problème », alerte Émilie Robert. Partagée par l’ensemble des acteurs du secteur, cette inquiétude est à l’origine de la lettre ouverte. En y exprimant leurs préoccupations, les membres de Scènes d’Enfance – ASSITEJ espèrent attirer l’attention de son destinataire sur l’urgence de mesures qui permettront la reprise des activités à la rentrée, dans des formes adaptées à la situation sanitaire.
Urgence : recréer du lien
« Il faudra du temps aux structures et aux artistes pour s’ajuster. Et il serait dangereux de mettre notre secteur à l’arrêt en septembre, aussi bien pour les compagnies que pour la jeunesse qui aura été éprouvée par la pandémie et aura besoin de reprendre confiance dans la vie en société », dit Émilie Robert. Les théâtres ont pour cela besoin d’être rapidement rassurés sur la possibilité d’une reprise des sorties scolaires. « Si la plupart des lieux maintiennent leur programmation jeune public la saison prochaine, certains disent vouloir anticiper le risque que les sorties scolaires soient encore impossibles à la rentrée en déprogrammant leurs spectacles pour l’enfance et la jeunesse de l’automne voire de l’ensemble de la saison. Nous souhaitons que le gouvernement prenne position en faveur du respect des engagements pris envers les compagnies », explique la directrice du Théâtre Massalia.
L’ouverture d’un dialogue avec le ministère de l’Éducation Nationale est aussi souhaitée par les auteurs de la lettre. Ainsi qu’une sécurisation des financements pour 2021 et 2022, et une présence au sein des prochaines réunions de concertation du secteur culturel dans son ensemble. Ce qui irait dans le sens des efforts fournis ces dernières années par le ministère de la culture en faveur de la création pour l’enfance et la jeunesse. Notamment à travers la création de La Belle Saison en 2014 et la promesse en janvier dernier, à l’occasion des BIS de Nantes, de débloquer un million d’euros pour ce pan du spectacle vivant. « Le dialogue est indispensable, il nous permettra de nous organiser pour faire face à la situation, et de proposer dès que possible des rendez-vous adaptés aux besoins des enfants et des familles ».
Cela dès l’été si possible, comme envisagent déjà de le faire plusieurs lieux dédiés au jeune public. Parmi lesquels le Théâtre Massalia installé à Marseille à la Friche Belle de Mai, dont Émilie Robert espère pouvoir investir certains espaces afin d’accueillir les jeunes du quartier. Et pour offrir un moment aux collégiens avec qui plusieurs artistes travaillent depuis le début de la saison. « Ces auteurs, marionnettistes ou metteurs en scène mettent toute leur inventivité au service de la réinvention de ce rassemblement ». Un effort qui ne pourra porter ses fruits que grâce à un engagement en haut lieu.
Anaïs Heluin – www.sceneweb.fr
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