La troupe du Théâtre du Soleil, visée depuis l’été par une enquête judiciaire, va aussi faire l’objet à partir de la mi-décembre d’un audit externe après de nouvelles accusations de violences sexuelles parues dans la presse, avec à la clé la question de sa subvention.
Le ministère de la Culture a demandé à la compagnie d’Ariane Mnouchkine « de faire conduire un audit complet par un organisme extérieur et indépendant sur les conditions d’emploi et de travail » en son sein, a dit jeudi le ministère à l’AFP.
Cet audit portera « aussi sur les modalités d’accueil de bénévoles, en recueillant les témoignages des actuels salariés ou bénévoles » du théâtre ou de « personnes qui ont pu être impliquées dans son fonctionnement par le passé », a-t-il ajouté.
La metteuse en scène de 86 ans a précisé à l’AFP qu’il débuterait « la semaine du 15 décembre ».
Lieu d’expérimentation théâtrale et d’utopie artistique fondé en 1964, célèbre pour ses grandes épopées et son engagement politique, le Théâtre du Soleil est dans la tourmente depuis des accusations de « dérives sexuelles » portées fin mars par la comédienne Agathe Pujol devant la Commission d’enquête parlementaire sur les violences sexuelles dans la culture.
La comédienne, un temps bénévole au sein de la troupe, avait déclaré avoir été victime d’une tentative de viol en 2010 par un de ses membres lorsqu’elle était mineure et décrit plus généralement une « pression sexuelle constante ».
Le site d’information Mediapart a publié dimanche de nouvelles accusations de violences sexuelles, allant du harcèlement au viol, notamment sur des mineures, qui concerneraient huit femmes, ex-salariées ou bénévoles. Deux comédiens, qui ont depuis quitté la troupe, sont mis en cause pour ces faits qui se seraient déroulés entre 2010 et 2025. Tous deux rejettent les accusations.
L’audit indépendant a été réclamé au vu, notamment, de « la gravité des faits évoqués par (ces) témoignages », indique-t-on au ministère.
La compagnie joue gros : le versement de la subvention du ministère dépendra de la « transmission des conclusions » de l’audit et de la mise en œuvre de « mesures nécessaires » pour « éviter une quelconque réitération », prévient-il.
« Victimes prochainement entendues »
Depuis 2021, le ministère de la Culture conditionne ses aides au respect d’un protocole strict en matière de VSS (prévention, repérage, détection, entre autres).
La compagnie, qui a employé 187 personnes en 2024 (56 équivalents temps-plein) reçoit annuellement 1,99 million d’euros de l’État, auxquels s’ajoutent 75.000 euros de subvention de la Ville de Paris en 2024 et 100.000 euros de la région.
La troupe est également visée depuis l’été par une enquête du « chef de viol sur mineur de 15 ans et agression sexuelle sur mineur de 15 ans », « confiée à la Brigade de protection des mineurs », selon le parquet.
Cette enquête a été ouverte après un signalement à la justice fait par la commission parlementaire devant laquelle la comédienne Agathe Pujol avait témoigné. En juin, le ministère a également procédé à un signalement « à la suite de plusieurs témoignages qu’il a recueillis après les déclarations » d’ Agathe Pujol, au titre de l’article 40 du code de procédure pénale.
Les faits visés remontent aux années 2010 à 2015 et 2022, selon le ministère.
Les victimes « ont été ou vont pouvoir être très prochainement entendues par des enquêteurs et des magistrats légitimes » et « les mis en cause vont l’être aussi », a assuré le Théâtre mercredi, sans préciser de date.
Après les premières accusations, un audit interne avait été réalisé au printemps par trois comédiens, une musicienne, l’assistant d’Ariane Mnouchkine et cette dernière, dont les conclusions ont été envoyées au procureur de la République le 13 mai. Selon le Théâtre, ce document fait état de plusieurs cas de comportements délictueux, dont certains mentionnent les deux comédiens ayant quitté la troupe.
Le Soleil, qui s’est doté « d’une dizaine de référents VSS », nie tout caractère « systémique » des violences en son sein, estimant que de « telles allégations » mettent en cause « son intégrité » et « son honneur ».
Karine Perret – AFP



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