Le metteur en scène présente sa première création comme directeur de la Criée à Marseille : une satire politique et une ode à la paix qui reste encore fragile, mais qui donne la couleur de son mandat.
La Criée avec Robin Renucci sera axée sur les jeunesses marseillaises. C’est en tout cas l’espoir du metteur en scène, ancien directeur des Tréteaux de France et qui a succèdé à Macha Makeïeff à la tête du Centre dramatique national de Marseille.
Le metteur en scène, membre du Haut conseil de l’éducation artistique et culturelle, bien connu pour ses rôle à s au cinéma et à la télévision, adapte une fable comique d’Aristophane (IVe siècle avant JC) dans laquelle le poète antique se moque des politiques athéniens, incapables de mettre un terme à la guerre avec Sparte. Si la trame respecte cette de la pièce d’origine, l’intrigue est transportée sur le Vieux-Port, sous la plume complice de l’auteur marseillais Serge Valletti, avec accent chantant et clins d’oeil marqués à la citée phocéenne, histoire de bien souligner l’inscription du metteur en scène dans sa nouvelle ville d’adoption.
On suit donc Yves Rogne, un vigneron soulard et grivois qui va tenter, à l’aide d’une machine pétaradante, de rejoindre l’Olympe et mettre ainsi fin à la guerre qui ravage la Terre, accompagné au fil du chemin par une troupe de jeune gens. Il y croisera Hermès, messager des Dieux, et rencontrera finalement la terrible Guerre, occupée à mijoter ses bouillons de “Syriens”, de “talibans”, de “Ouïgours”, “d’écossais”, ou même d’ “aixois”.
Habitué des mises-en-scène classiques (Bérénice, 2019, Britanicus, 2020, Andromaque, 2021 et Phèdre 2022) le metteur en scène prend ici le contre-pied avec cette pièce foutraque, scabreuse et satirique, qui contient quantité de matière fécale et une bonne dose de machinerie scénique à vue, comme lorsque Hermès s’élève dans les cieux accroché par un filin.
Un joyeux mélange qui se retrouve aussi dans une distribution sans vedettes : Anne Levy, Alex Fondja, Kristina Chaumont ou encore Guillaume Pottier donnent la réplique à Heddy Salem, ancien boxeur à la gouaille provençale qui slame son texte autant qu’il le déclame, ainsi qu’aux élèves comédien de l’ERCAM (école régionale d’acteurs de Cannes et Marseille).
Avec cette farce irrévérencieuse, le public est ainsi gentiment bousculé. D’abord par une langue scato-sexo assumée : “que personne ne pète, bouchez vous le trou du cul!” nous intime-t-on à intervalles réguliers. Ensuite par des adresses répétées et des tentatives de faire participer le public. D’entrée, on nous invite à un échauffement collectif, avec chorée à répéter, style flash mob. Plus tard ce sera à nous de tirer sur la corde qui retient captive la Paix, dans une métaphore littérale de la cohésion nécessaire au retour de l’harmonie. On s’assure aussi de notre adhésion régulière, avec l’exercice antique de la parabase (partie didactique d’une comédie grecque qui explicite les visées de l’auteur). Ces gentilles secousses feront la joie des plus jeunes, qui rient aisément et participent avec entrain à la scène de liesse finale où les comédien.nes entraînent le public à danser sur scène pour célébrer la Paix retrouvée et la joie du théâtre partagée. D’autre, peut-être plus âgés, resterons davantage circonspects.
Une invitation à la fête qui cherche encore son équilibre pour convaincre totalement. Avec un groupe de jeunes gens qui peinent pour le moment à faire troupe et à définir ses contours, ainsi qu’une deuxième partie qui s’éternise dans une célébration qui n’avance pas. Certaines actualisations du texte tombent à plat dans leur tentative maladroite de contourner la paillardise de l’œuvre originale : faire intervenir une autrice pour prendre en charge le récit afin d’atténuer les blagues potaches qui fleurissent dans le texte n’est pas une caution suffisante pour faire résonner une réelle modernisation de la langue d’Aristophane, malgré les bons mots de Serge Valletti.
Robin Renucci invite donc au partage dans un moment de joie, qui a besoin de se muscler davantage pour faire monter la mayonnaise de la célébration du vivre-ensemble et du théâtre populaire, mais qui propose une belle tentative de dépoussiérage, vivante, malgré tout.
Fanny Imbert – www.sceneweb.fr
A la paix !
Un spectacle de Robin Renucci
D’après Aristophane
Adaptation
Robin Renucci & Serge VallettiAvec
Guillaume Pottier, Kristina Chaumont, Alex Fondja, Anne Levy, Frédéric Richaud, Aurélien Baré, Heddy Salem, Claire Bonfils
Et les élèves comédiens de l’ERACM
Maël Chekaoui, Victor Franzini, Marie Mangin, Gaspard Juan, Julia TouamMise en scène
Robin RenucciAssistant à la mis e en scène
Aurélien BaréScénographe
Samuel PoncetCréation costumes
Jean-Bernard ScottoCréation son
Jérémie TisonCréation lumière
Julien GuerutRégisseur général
Thomas LeblancFabrication machine
Ateliers Sud Side, MarseilleDécor
Eclectik Scéno, Dijon et Atelier théâtre de La CriéePRODUCTION
La Criée – Théâtre national de MarseilleCOPRODUCTION
Centre dramatique des villages du haut Vaucluse scène conventionnée d’intérêt national art en territoireDurée : estimée à 1h30
La Criée – Théâtre national de Marseille
du 7 au 26 novembre 2023
Compliments à la troupe, sympathique, enjouée et dynamique. Mais gros œil noir sur le reste, trop long, assez mal écrit et inutilement grossier, malgré un synopsis intéressant. Une horreur ! Une soirée à oublier très vite. On est inquiets pour les programmations à venir…