Éric Delphin Kwégoué mise sur le thriller afin d’évoquer les tensions politiques qui agitent son pays d’origine, le Cameroun, pour un résultat qui manque encore de régularité.
Lauréat du prix RFI Théâtre 2023 pour À cœur ouvert, Éric Delphin Kwégoué transpose son texte pour la première fois sur scène à l’occasion des Zébrures d’automne, qui se poursuivent à Limoges jusqu’au 5 octobre, accompagné dans cette tâche par Alice Carré à la dramaturgie et Caroline Frachet à la scénographie. L’auteur, dramaturge et comédien s’est inspiré de l’assassinat du journaliste Martinez Zogo, torturé par les services de renseignement camerounais en 2023. Une affaire toujours en cours de jugement et dont le principal accusé est un richissime homme d’affaires. L’assassinat de ce journaliste populaire et engagé dans la lutte contre la corruption a provoqué l’émoi dans tout le pays et levé le voile sur l’interconnexion entre forces militaires et intérêts privés au Cameroun.
Dans À coeur ouvert, c’est un journaliste du nom de Santiago qui a été sauvagement assassiné et mutilé. Avant de mourir, il a eu le temps de prévenir son ami et collègue Paul-Alain, qui enquête sur différentes affaires de corruption et d’obtention illégale de marchés publics. Alerté à temps, celui-ci tente de fuir le pays avant de retourner secourir sa famille, prise en otage par les services secrets d’État, sous les ordres d’un puissant milliardaire. Va alors s’enclencher une course contre la montre pour sauver sa femme et son fils. Pendant ce temps, une jeune blogueuse informée de la situation tente d’alerter le grand public sur la menace que court le journaliste et sa famille. Véritable Angela Davis 2.0, elle enchaîne les podcasts enflammés où elle harangue la foule de followers qui la suit et appelle à manifester dans les rues de Yaoundé pour soutenir une presse libre.
À la façon d’un thriller, les clairs-obscurs s’enchaînent, le sang coule et la tension monte, entre trahisons et retournements de situation. Il faut souligner ici un texte percutant, une juste dose d’hémoglobine, un engagement sincère pour la défense d’une presse indépendante et l’écho pertinent d’un pays toujours en proie à des conflits armés. Cependant, malgré l’engagement sans faille de Criss Niangouna en père traqué ou la révélation lumineuse de Basile Yawanke Nakpane en jeune loup sanguinaire aux prises avec ses propres contradictions morales, le jeu reste trop souvent inégal et l’intention encore fragile en ce soir de première pour rendre percutante la traque haletante promise, sans doute affaiblie par une utilisation de l’espace parfois redondante, alternant trop souvent les lumières monochromes. Une proposition pourtant sincère qui a toutes les cartes en main pour saisir l’urgence de cette autopsie à cœur ouvert d’un pays en lutte, retranscrite avec une force indéniable dans le texte d’Éric Delphin Kwégoué.
Fanny Imbert – www.sceneweb.fr
À coeur ouvert
Texte et mise en scène Éric Delphin KwégouéDramaturgie Alice Carré
Avec Criss Niangouna, Claudette Fleur Mendela Bediebe, Oumou Balde Diallo, Abdon Fortuné Koumbha, Léonce Henri Nlend,Basile Yawanké Nakpane
Scénographie Caroline Frachet
Création vidéo Wilfried Nakeu
Création lumière Cléo Konongo
Création costume Cie koz’art
Créateur son Franck ChauveauProduction Compagnie Koz’art
Production délégué Les Francophonies – Des écritures à la scène
Partenaire artistique Compagnie Tiné
Coproduction Théâtre de l’Union – CDN du Limousin
Soutiens L’Institut Français – Des mots à la scène, l’Institut Français – Région Nouvelle-Aquitaine, la Commission internationale du théâtre francophone (CITF), Festival Des Langues Françaises – CDN de Rouen.Durée : 1h30
Théâtre de l’Union, Limoges, dans le cadre des Zébrures d’automne
les 27 et 28 septembre 2024
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