Aux Plateaux Sauvages, le jeune metteur en scène et l’auteur Lancelot Hamelin pénètrent dans la vie onirique des Nanterriens, avec un regard plus sensible que documentaire, plus sociologique que psychanalytique.
2017, année d’élection présidentielle. Lancelot Hamelin et Duncan Evennou auraient pu profiter de ces mois d’effervescence pour sonder la conscience politique des femmes et des hommes qui parcourent les rues de Nanterre, où le premier profite d’une résidence au Théâtre des Amandiers. Or, c’est plutôt à leur inconscient que les deux artistes ont souhaité donner la parole à travers le recueil, massif et systématique, de leur vie onirique. En tout, la vingtaine d’artistes, chercheurs ou amateurs qui leur ont prêté main forte ont rencontré 174 personnes et mené 163 entretiens, cahier ou enregistreur à la main, selon une méthode que Lancelot Hamelin avait pu éprouver par le passé à La Nouvelle Orléans, à la Ville Médicis, mais aussi à Lyon, Paris, Valence ou encore Calais. Une fois couché sur le papier, par une soixantaine de participants, ce travail dantesque représente 2000 pages de retranscriptions brutes et 400 d’entretiens, que l’auteur s’est échiné à retravailler.
Que nous disent ces mètres linéaires de paroles dérobées ? Que les Nanterriens rêvent, et c’est rassurant. Qu’ils ne sont pas toujours à l’aise avec cette confidence, qui peut s’apparenter, pour certains, à une profanation de leur intimité. Que leur vie onirique se concentre davantage sur eux-mêmes que sur les autres, sur leur existence, avec ses joies et ses tourments, que sur les bonheurs ou les malheurs du monde, ce qui n’empêche pas, une fois ces fragments oniriques assemblés, d’esquisser des lignes directrices macroscopiques. Il y a ces hommes qui rêvent de belles femmes, souvent nombreuses et plantureuses, voire dénudées à l’occasion ; cette femme obsédée par sa nouvelle entreprise de bien-être qui songe, la nuit, à son aloe vera ; cette autre qui vole en tournant, comme la fée Clochette ; ce jeune homme qui imagine une conspiration ferroviaire, juste avant de se rendre à Auschwitz ; et cet autre qui pense avoir mis la main, lors d’une épiphanie nocturne, sur les numéros gagnants du prochain Quinté, dans l’ordre s’il vous plait.
Ces fantasmes ou terreurs, il revient à quatre comédiens de les incarner. Assis à une table, qui préfigure un studio de radio délocalisé dans le bureau d’un sociologue, ils prennent le micro pour, tout à tour, jouer le rôle de l’intervieweur ou de l’interviewé, du confesseur ou du confessé. Dans cet exercice, Olivia Ross, Maxime Lévêque et Thierry Raynaud tirent leur épingle du jeu. Les yeux rivés sur les textes originels, recrachés par une machine à retranscrire les songes, ils parviennent à trouver le ton juste pour donner à entendre, sans singer leur locuteur et avec juste ce qu’il faut d’humour, ces paroles qui, la plupart du temps, relèvent de l’anecdote. Dans l’élégante scénographie conçue par Patrick Laffont de Lojo et Benoît Verjat, ils deviennent les passeurs sensibles d’expériences intimes, de croyances personnelles sur le pouvoir des rêves, sans jamais chercher à les expliquer par un biais psychanalytique. Aux auditeurs d’un soir d’y projeter ce qu’ils veulent y voir.
Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr
L’Assemblée des rêves
Texte Lancelot Hamelin
Mise en scène Duncan Evennou
Avec Isabelle Angotti, Maxime Lévêque et, en alternance, Thierry Raynaud, Olivia Ross, Anne Steffens, Manuel Vallade, et la voix de Gaël Baron
Design de recherche Benoît Verjat
Scénographie Patrick Laffont de Lojo et Benoît Verjat
Création sonore Maya Boquet
Création lumière Patrick Laffont de LojoProduction Lighthouse Company
Coréalisation Les Plateaux Sauvages
Ce texte est lauréat de l’Aide à la création de textes dramatiques – ARTCENA
Avec l’aide à la production de la DRAC Île-de-France et du DICRéAM
Avec le soutien de FoRTE Région Île-de-France, du Théâtre Nanterre-Amandiers, de la Villa Médicis, de Théâtre Ouvert et de la Town House GalleryDurée : 1h15
Les Plateaux Sauvages, Paris
du 8 au 18 octobre 2019
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