Gravité, la nouvelle chorégraphie d’Angelin Preljocaj a été créée en septembre à la Biennale de la Danse de Lyon. Elle est en tournée et s’arrête à Chaillot- Théâtre National de la Danse. La gravité, notion abstraire et concrète pour tous, encore plus pour les danseurs qui cherchent à y échapper. Angelin Preljocaj s’est entouré du styliste Igor Chapurin, collaborateur du Bolchoï et d’Eric Soyer qui a créé des lumières sublimes qui mettent en valeur les douze danseurs de cette pièce qui permet au chorégraphe de donner sa vision du Boléro de Ravel, un des derniers tableaux du spectacle.
En imaginant ce spectacle, avez-vous souhaité vous lancer un défi ?
Oui car défier la gravité c’est exactement ce qu’on fait tout au long de son existence quand on est un danseur et même pour tout être humain. Dès que l’on est enfant et bébé on ressent déjà confusément cette force exceptionnelle qu’est la gravité. Ce qui est difficile c’est d’échafauder tout un spectacle sur cette thématique et à partir de là d’inventer un langage corporel. C’est ce que j’ai souhaité faire, en me souvenant que de tout temps, toutes les danses on eu une façon différente de gérer la gravité. C’est le cas de la danse folklorique qui frappe le sol et qui danse en rond pour créer du mouvement. La danse classique cherche aussi à s’émanciper de la gravité à tel point que les danseuses essayent tellement d’atteindre les cieux qu’elle montent sur leur orteil puis maintenant sur les pointes. Sans oublier leurs partenaires qui les portent à bout de bras pour les arracher à cette gravité infâme. Toujours est-il que la danse contemporaine de son côté fait de la gravité un partenaire. Elle utilise ses spécificités pour inventer des mouvements, pour créer une relation au sol à la terre. Je peux aussi citer la danse balinaise qui est beaucoup plus aérienne et qui à travers des mouvements de bras recherche une sorte d’évanescence. Donc finalement on peut dire qu’il existe déjà des vocabulaires de la gravité qui se déploient dans l’histoire de l’humanité. Je voulais faire un spectacle où moi-même j’explorerai avec mes danseurs différentes gravités.
Comment avez-vous travaillé ce langage ?
Je l’ai travaillé en essayant de leur transmettre des sensations que je ressentais. Quand j’étais tout jeune chorégraphe je préparais toutes les phrases pour être irréprochable. Maintenant je travaille plus en direct, j’arrive dans le studio, je me mets à bouger et ils essayent de comprendre ce que je fais, voilà comment s’élabore la chorégraphie.
Est ce que les gestes au ralenti sont des gestes naturels pour les danseurs ?
Le ralenti, c’est très complexe car il faut des appuis très solides pour pouvoir gérer cette continuité et puis il y a aussi un certaine connivence que doivent retrouver les danseurs pour être dans la même mouvance. Un ralenti pour quelqu’un peut être très lent, pour pour un autre il peut être moyennement lent. Alors qu’elle est la limite du ralenti ? Entre, être lent et être immobile, il y a une marge énorme en fait.
S’agit-il de l’une de vos pièces les plus classiques dans sa forme ?
C’est l’une de mes pièces qui explore aussi des questions qui sont élaborées à travers un certain vocabulaire classique. C’est une des composantes du spectacle mais ce n’est pas la composante principale loin de là.
La lumière est importante dans cette idée de la gravité. C’est le décor.
Ce qui est important dans la gravité, c’est la notion de l’espace. Quand on commence à parler de gravité on s’aperçoit très vite qu’en cosmologie intervient l’idée de l’espace. Est-ce que l’espace est vide ? Est ce qu’il est plein ? Est-t-il habité de neutrons, de positrons, de quark, de boson de Higgs qui donnent leur masse aux particules. La question de l’espace est très importante donc je ne voulais pas de décor. Je voulais l’espace pour déployer les corps. Le travail sur la lumière avec Eric Soyer a été primordial pour accompagner ces différentes sensations de gravité. On a évoqué ensemble l’idée que la lumière devait parfois être pesante, parfois légère, parfois mouvementée. Elle accompagne le geste chorégraphique, elle entoure les danseurs, elle les enveloppe. Les danseurs parfois entraînent la lumière eux.
Propos recueillis par Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
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