Dans Vessel, Damien Jalet et Kohei Nawa esthétisent à l’envi l’état primitif de corps en régénérescence promus objets d’art vivants. Présentée au TNB à Rennes, leur pièce est d’une étrange et fascinante beauté liquide et organique.
Noir complet. Stridences et vrombissements. Une forme blanche aux contours incertains apparaît comme un mirage. Tandis que le plateau s’éclaircit lentement, se dévoile ce qui ressemble à un gros coquillage qui, en son centre, sécrète un liniment mousseux et laiteux dont finira pas s’enduire un des interprètes. Autour du monticule, une eau calme s’est répandue. Dans ce fort bel espace insulaire, se présentent des corps solidement imbriqués. En fusion et en permanentes transformations, ils se complètent en prenant des positions qui rappellent les figures primitives de l’ère Jomon (époque néolithique japonaise) et mettent à l’épreuve la perception du spectateur et sa capacité à les déchiffrer le geste.
Paradoxalement statufiés et toujours mobiles, ils se présentent non comme des êtres identifiables mais comme une simple matière ondulante, respirante, une masse charnelle, musculeuse, malléable, qui n’est pas pour autant dépourvue d’une dimension sensuelle ni même émotionnelle. Il est d’ailleurs troublant de constater qu’un amas de pieds, jambes, fesses, torses, exposés dans une quasi nudité et d’une manière déstructurée peut faire advenir un large spectre de sensations contraires. Leur contemplation suscitant aussi bien l’apaisement que la douleur. Seule la tête n’est jamais donnée à voir. Les visages et leurs traits sont dissimulés dans des poses souvent courbes, recroquevillées.
Sept interprètes exécutent rigoureusement et fabuleusement la performance. Ils font montre d’une épatante souplesse et d’une extrême élasticité. Ils sont conduits par Damien Jalet chez qui la danse est aussi corporelle que spirituelle. Amateur de formes où il convoque les mythes, les rituels, les traditions profanes ou sacrées – les pratiques japonaises du shintoïsme et le Shugendo ont entre autres inspiré Vessel – le chorégraphe est toujours à la recherche d’une énergique osmose entre la communauté et l’environnement. Complice de Sidi Larbi Cherkaoui dont on connaît le goût vital pour le brassage et l’ailleurs, il trouve un nouvel allié en la personne de Kohei Nawa, artiste plasticien rencontré à la villa Kujoyama de Kyoto lors d’une résidence en 2015. Ensemble, ils se font sculpteurs de corps dans un mélange dosé de sophistication et de pureté qui fait la force et la beauté de Vessel, un singulier voyage physique et poétique.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Vessel
Chorégraphie
DAMIEN JALET
Scénographie
KOHEI NAWA
Composition musicale
MARIHIKO HARA
RYUICHI SAKAMOTOAvec
AIMILIOS ARAPOGLOU
NOBUYOSHI ASAI
MAYUMU MINAGAWA
RURI MITOH
JUN MORII
MIRAI MORIYAMA
NAOKO TOZAWAProduction : SANDWICH Inc. ; Théâtre National de Bretagne.
Coproduction : Yokohama Arts Foundation.
Avec le soutien de la Caisse des Dépôts et du Performing Arts Japan Programme for Europe.
Spectacle créé à la Villa Kujoyama à Kyoto (Japon) en 2015.Durée 1h
Bruxelles, La Monnaie/De Munt (BE)
02 04 – 03 04 2019Londres, Sadler’s Wells Theatre (UK)
16 04 – 17 04 2019Rennes, Théâtre National de Bretagne
23 04 – 26 04 2019Chaillot, Théâtre National de la Danse
du 6 au 13 mars 2020
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