La langue de Valère Novarina est énigmatique. C’est une matière théâtrale indéfinissable. Un bric à brac à paroles, une langue inventée. Il jongle depuis maintenant plus de trente cinq ans avec ces mots qu’il décompose et recompose. Il faut s’habituer à l’esprit de cet écrivain inimitable. Auteur invité de la saison 2009/2010 de l’Odéon, il livre avec« Le Vrai sang » un texte « sans queue ni tête » ou « incompréhensible » pour certains ou d’un grande richesse pour d’autres. « Je n’ai rien compris », entend on à la sortie de la salle ! Longtemps, j’ai été comme beaucoup réfractaire à son univers, malgré la présence toujours parfaite de comédiens de talent – il a toujours su s’entourer des meilleurs. Et là, tout s’éclaire avec cette pièce. Il faut se laisser bercer par ses mots, venir plonger dans la matière, en sortir parfois (le spectacle dure 2h30), pour mieux s’y étreindre, piocher au passage un bon mot, un aphorisme. Il y a de l’esprit burlesque, du sarcasme dans ce texte.
Le décor du fond de scène est constituée d’une grande toile peinte de Valère Novarina en trois morceaux (trois triangles) intitulée “Un temps, deux temps, et la moitié d’un temps” phrase tirée du « Livre de Daniel ». Tiens Daniel, comme le regretté Daniel Znyck. Qu’il nous manque ce comédien, et qu’il aurait adoré participer à ce spectacle, lui qui a popularisé la langue de Valère Novarina. Dans « Le Vrai sang » il y a le texte, les comédiens mais aussi pleins d’accessoires apportés sur scène par deux régisseurs qui de temps en temps ont le droit de parler !
Valère Novarina s’est appuyé sur la personnalité et la palette de jeu de chaque comédien. Olivier Martin-Salvan, en Faust, chanteur d’Opéra est remarquable. Il joue avec sa Margueritte et traine une roue multicolore qu’il enserre tendrement, et nous livre quelques moments irrésistibles dont il a le secret, dans la droite ligne de son merveilleux spectacle « O Carmen ! ». Manuel Le Lièvre en « danseur en perdition » déclenche les applaudissements. Lorsqu’il vient consulter « le gardien de mouvement ». « Vous êtes en train de nous faire un petite crise d’anthropoclasme : vous êtes atteint de vélociquidisme : vous allez nous entamer une petite danse pour vous en sortir ! » S’en suivent une danse et un monologue époustouflant ponctués de roulades arrières… Agnès Sourdillon, Dominique Parent, les fidèles sont à l’unisson, et les nouveaux venus aussi dont Nora Krief qui fait une infidélité réussie à Jean-François Sivadier…Les chansons réalistes de Chrstian Pacoud viennent s’ajouter au texte. Et Mathias Lévy exécute une improvisation sur un violon déglingué avant de le jeter rageusement par terre. « Qu’est ce que vous faites ? Je voudrais jouer du violon avec ce bois. Essayez plutôt avec une corde. »
Les bons mots et la poésie se mêlent en permanence. Valère Novarina égratigne à sa manière la famille : « Mes mères et pères accouplés m’ont formé par allée et venue dans le trou à erreur. Par quelle bouche vais-je m’en sortir ? Je suis sorti du cul de ma mère je le sais et cependant je comprends tout de la vrai existence. ». On encore la politique et la République. « La France osera-t-elle menacer ses voisins de se retirer de l’Hexagone ? ». Les comédiens viennent à un à un « reconstruire la démocratie », en lançant des phrases bien senties: « Le futur doit rester table rase ! Assez de paroles, des mots ! ». « Paul Beaujean est le seul à donner la réponse à la question que se pose Paul Beaujean ». Votons Novarina en 2012, ce serait plus drôle !
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
Le vrai sang de & mise en scène Valère Novarina
musique
Christian Paccoud
scénographie
Philippe Marioge
peinture
Valère Novarina
collaboration artistique
Céline Schaeffer
costumes
Renato Bianchi
lumière
Joël Hourbeigt
dramaturgie
Adélaïde Pralon & Pascal Omhovère
assistante de l’auteur
Lola Créïs
maquillage
Carole Anquetil
Avec Julie Kpéré, Norah Krief, Manuel Le Lièvre, Mathias Lévy, Olivier Martin-Salvan, Christian Paccoud, Dominique Parent, Myrto Procopiou, Agnès Sourdillon, Nicolas Struve, Valérie Vinci & Richard Pierre, Raphaël Dupleix
production déléguée L’Union des contraires coproduction Odéon-Théâtre de l’Europe avec l’aide du ministère de la Culture et de la Communication et avec le soutien de la SPEDIDAM
Cette œuvre a bénéficié de l’aide à la production et à la diffusion du fond SACD Théâtre.
Le Vrai sang est édité chez P.O.L
5 – 30 janvier 2011 – Théâtre de l’Odéon Paris 6e
le 8 février : Le Phénix – Valenciennes
du 15 au 18 février : La Rose des vents – Villeneuve d’Ascq
es 22 et 23 février : Le Trident – Cherbourg
le 17 mars : Scène nationale Évreux – Louviers
les 24 et 25 mars : Comédie de Reims
les 29 et 30 mars : Forum Meyrin – Suisse
du 12 au 16 avril : TNP – Villeurbanne
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